Au printemps 2001, Olivia T. qui se nomme d'emblée "la p'tite étudiante lyonnaise" me propose par e-mail de répondre à des questions à propos de Marguerite Duras, notamment sur «La Fiction d'Emmedée». En fait elle rédige un mémoire de fin de cursus sur les héritiers de Duras. Certainement un bon sujet, même si je ne me sentais guère héritier. Par deux fois ensuite, elle m'a demandé des précisions qui m'ont permis en effet de préciser...
Bonjour Olivia T. Voici les réponses:
1) C’est un drôle de nom "Emmedée" pour désigner MD ... Pourquoi ce choix ?
Ce nom m’est arrivé comme une traduction euphonique des initiales MD.
Emmedée peut se prononcer MD. Quand on prononce les lettres MD, cela
peut s’écrire Emmedée. C’est d’avoir trouvé ce prénom qui m’a déclenché
le livre. C’était avant sa mort, je n’avais plus de nouvelles d’elle
depuis des mois, je n’imaginais pas sa mort à brève échéance. Je
trouvais ce prénom à l’image de prénoms un peu littéraires du début du
XXe siècle. Et puis je ne pouvais pas l’appeler Marguerite ou Duras,
pas par son nom pour écrire un livre de fiction. De plus je ne voulais
pas l’impliquer en la nommant directement. Ce prénom Emmedée annonçait
la fiction.
2)
Ce titre «La Fiction d’Emmedée» me fait penser à une héroïne comme
"Médée"... MD, son destin, ses oeuvres, ont-ils une dimension aussi
tragique?
Non pas aussi tragique, ce n’est
pas du tragique classique, mais il y a une dimension tragique. Elle
s’exprime à travers la «folie» de sa mère, dans le «Barrage»… A travers
la douleur de la séparation avec le monde… à travers le mal
d’intelligence… l’individualité de l’écrit et sa solitude.
3) Est-ce que de penser à "Médée" est une imagination infondée de ma part ou y aviez-vous songer ?
Non, je n’y avais pas songé. Ce n’est pas infondé de le penser, parce
que MD portait de la lucidité (capacité et volonté de) et en même temps
revendiquait un droit à être et à agir par-delà toute lucidité.
4) Vous écrivez p. 11 («La Fiction d’Emmedée») que le «Barrage» est un texte fondateur pour vous... Mais fondateur en quoi ? De quelle façon ? Du point de vue de l’écriture, des thèmes ? Selon moi «Un Barrage contre le pacifique" est fondateur pour MD, c’est à partir de ce roman que toute sa fiction va s’établir. La mère, l’énergie de la mère, le conflit familial, le décor colonial, la ségrégation de classe et de race, l’impossibilité de vivre sauf à écrire. Ensuite cette fondation se propage dans tous ses livres jusqu’à «L’Amant» qui reprend le tout.
5) La dédicace "à Marguerite Duras" est-elle bien à comprendre comme un hommage ? Lorsque MD est morte, j’avais fini le livre, mais ne l’avais pas encore donné à un éditeur. Je n’ai jamais dédicacé un livre ou un texte à quelqu’un de vivant. Ce me semblait naturel et facile de le faire, comme si je l’avais saluée, embrassée. Si elle avait été vivante à la sortie du livre, je lui aurais seulement dédicacé l’exemplaire pour elle: Pour vous, Marguerite, ce livre…
6) Il me semble qu’elle sonne un peu
comme une épitaphe... «La Fiction d’Emmedée» n’est-elle pas une mise à
mort de l’auteur ("source") ?
C’est un hommage dans le sens où vous utilisez la
pratique de MD (faire d’elle un personnage de fiction) mais n’est-ce
pas un moyen de la mettre à mort (en devenant elle-même justement un
personnage de fiction) ? Je sais bien : ce n’est pas très clair... Il y
a surtout beaucoup de questions. Je n’aurais sûrement pas voulu écrire
un livre post mortem. Une mise à mort lucide ou volontaire ? non. Un
chemin pour lui parler, au début le narrateur dit qu’il ne faisait
qu’écouter, ensuite qu’il voulait lui parler, puis lui écrire...
jusqu’à lui dire que le monde ne faisait que commencer. Elle n’avait
jamais été un personnage dans un roman, je la voyais souvent comme
telle dans nos rencontres. C’était presque justice de rendre compte
d’une réalité, c’était presque obligé pour moi de mettre en scène sa
fiction.
6 bis) Est-ce au contraire une façon de lui donner une seconde naissance et de lui assurer une seconde vie ?
Une façon de lui rendre justice peut-être, elle était très attaquée
depuis «L’Amant». Une lettre à elle, j’ai été peiné et triste de sa
mort. Peiné qu’elle meurt, si triste qu’elle ne puisse pas par lire «La
Fiction d’Emmedée». Et même je crois bien qu’elle n’ait pas su que
j’écrivais ce livre.
7) Cette oeuvre n’est-elle pas l’occasion de vous libérer de l’emprise de MD ? Comme une tentative d’exorcisme ?
Non, ce dernier mot n’est pas de mon univers. Pas non plus de me
libérer de son emprise, je ne m’y sentais pas. C’est pour moi un roman,
un vrai, que je revendique comme auteur, en tant que roman parmi mes autres
romans, écrits ou à écrire. J’ai souvent pensé à Diderot pour la
démarche, le neveu de Rameau était vraiment le neveu de… et Diderot le
rencontrait, parlait avec lui etc. Une occasion de m’émanciper plus que
de me libérer.
8) La figure littéraire de MD ne vous-a-t-elle pas empêché, freiné dans votre écriture ?
Je ne le crois pas. Elle pouvait agir comme un sur-moi. M’imposer une
plus grand rigueur etc. Elle m'aurait plutôt poussé à écrire.
9) Avez-vous déjà ressenti ce que
j’appellerai "la peur de l’influence" ? Une certaine crainte de faire
du "Sur-Duras" ou plutôt du "Sous-Duras" ?
Je lui en avais parlé, que quiconque l’approchant pouvait redouter cela
et même risquer cela. Que je devais parfois ne plus la lire pour
écrire. Quelques détracteurs de «Rauque la ville» lâchait que c’était
du Duras. J’avais écrit ce roman avant de la connaître donc je trouvais
cela inexact et assez détestable. Duras ayant écrit une préface,
des gens rangeaient illico le livre dans l’étagère Duras. Dans «Les
Yeux verts», le texte intitulé «Pour Jean Pierre Ceton» est une sorte
de parodie de l’écriture de RLV. MD s’est amusée à écrire un peu à la
manière de mon écriture, en jouant de thèmes du livre retenues par
elle. D’une manière d’ailleurs plus intérieure que dans la préface.
Pour l’écriture, je ne reconnais pas mon écriture…
(On trouve le texte
en anglais sur internet (FOR JEAN-PIERRE CETON, GREEN EYES),
je vais bientôt mettre la version française sur mon site préface,) Il
m’est arrivé de "voir" dans certains de mes textes de l’époque, dans la
1ère version de «Pathétique sun», des passages qui faisaient penser à
l’écriture de MD. Cela m’était désagréable et j’ai chaque fois corrigé.
On ne m’aurait pas accolé l’étiquette de "sous-Duras", elle était déjà
donnée à différentes personnes qui écrivaient effectivement du
sous-Duras. J’en étais sûr car ceux-là n’avaient pas l’estime de MD
alors qu’elle n’hésitait pas à me la confirmer. Si je disais : Sans
vous, je n’aurais jamais publié, elle rétorquait que si, que c’était le
livre qui l’emportait et non son soutien.
10)
Si l’on devait "classer" (terme que je n’aime pas beaucoup employer)
«La Fiction d’Emmedée», vous le rangeriez sous quel genre ? Roman,
biographie fictionnelle ou autre ... ?
Oui roman,
ce qui s’écrit librement (structure et langue), donc qui traduit de
l’imaginaire, invente un monde. Ce pourrait être aussi une biographie
fictionnelle. Avec l’ambition d’être plus vraie qu’une biographie
biographique.
11)Vous
semblez entretenir le même rapport que MD entre réel et fiction...
Est-ce ce qui vous a en partie rapproché, cette vision de la
littérature comme lieu où l’on doit "se créer soi-même" (Vous la
définiriez comme ça ?) ?
Oui nous avions
cela en commun, il se peut que je l’ai appris en lisant ses livres
avant de la connaître, encore que je n’ai jamais était un "fan" comme
certains de mes amis… Et puis j’aurais pu le découvrir chez beaucoup
d’auteurs, de Homère à Proust et Flaubert… J’aimais sa vision radicale
de la littérature, nous en parlions constamment, même en préparant un
dîner. Se créer soi-même? S’inventer un monde, inventer un monde,
inventer le monde… c’est la fonction effective de l’écrit.
12) Le fait que MD ait écrit des
oeuvres telles qu’elle l’a fait, cela ne vous-a-t-il pas rassuré ? Je
veux dire : elle vous assure l’existence d’un "pays de l’écriture" où
vous ne vous sentez ni seul ni fou ! Cela vous permet peut-être d’aller
plus loin dans votre expérience littéraire ...?
Le pays de l’écriture oui, un eden peut-être, quoique pas spécialement
rassurant, esthétiquement enthousiasmant. Il y avait chez elle une
sorte de foi dans l’écriture. Sans doute aller plus loin, oui, car
l’expérience littéraire s’élabore sur une rupture. Donc avec elle
également.
13) Peut-on parler entre MD et vous
d’"interaction" des oeuvres (notamment avec «Rauque la ville» et
«L’homme assis dans le couloir» ?
RLV lui a
juste fait repenser à «L’homme assis…» dont elle avait écrit une 1ère
version des années avant, et elle l’a écrit selon elle. Je ne suis en
rien ni pour rien dans «L’homme assis». Encore que je ne peux pas le
savoir de façon certaine. Dans mes entretiens avec MD sur France
Culture, je lui dis combien je trouve étrange que la femme aime que
l’homme la batte. Elle dit que cela relève du subissement historique de
la femme…
13 bis) Avez-vous mutuellement, MD et vous, entretenu votre engagement érotique ?
Je ne suis pas sûr de comprendre l’étendue de la question, ni le sens
du mot engagement. Notre relation n’était absolument pas érotique. Nous
avions un parler franc, aucun sujet donc n’était écarté. Nous n’avions
pas je le crois les mêmes formulations sur le sujet. Peut-être une même
pudeur quand même.
14) Vous dites avoir commencé à écrire vers 19-20 ans... A quel âge avez-vous rencontré MD ? Au début que vous écriviez ?
Non, j’avais écrit au moins deux romans, non publiés, je venais de terminer «Rauque la ville».
15) Seriez-vous d’accord avec le terme
d’"influence" pour qualifier le rapport littéraire entre MD et vous
(d’autres diraient différemment) ?
Ils
diraient quoi?... Influence, non, je ne l’ai jamais vécu comme ça. Je
ressens avoir eu beaucoup de chance de la rencontrer et de vivre cette
amitié avec elle. Elle m’a forcément influencé. Cela me manque de ne
plus parler avec elle, j’étais moins "seul" quand je la connaissais.
16) Si, dans la famille littéraire
Duras, je vous attribue la place de "fils adoptif", trouvez-vous que je
vous ai donné la place qui vous revient ?
Je
me sentais ami, vraiment ami, ami avec amour.
Quelqu’un m’a dit cela
un jour qu’elle pouvait me considérer comme tel, fils littéraire ou
disciple. Pour moi c’était impossible, je n’aurais pas pu écrire avec
un tel statut…
16 bis) Vous dites, dans «La Fiction
d’Emmedée» p.14 : "je pouvais facilement imaginer d’opérer un transfert
de ma mère sur elle, Emmedée. De la Mère". MD ne serait-elle pas
néanmoins votre Père littéraire, une sorte de "parent mental" ?
La mère littéraire ou mentale. Comme on parle de langue maternelle.
Dans mon histoire à moi ce ne pouvait qu’être ma mère. Une mère qui
avait aussi des côtés de mère ordinaire, courante, quoique d’une force
cyclonale, un peu comme ma mère, une tempête.
17) Avez-vous publié d’autres livres après «La Fiction d’Emmedée» (donc après la mort de MD) ?
Non, mais cela va venir! Un roman «Les Voyageurs modèles» va sortir
prochainement, en Avril ou en Octobre mais ce sera dans la même
collection (Manifeste) qui émigre du Rocher aux éditions Comp’Act,
éditeur de littérature de création…
18) Si non : vous dites vouloir écrire avec vos propres mots : sa mort aurait dû vous y aider ?
Un roman est en rade pour l’instant mais je suis convaincu qu’il
trouvera bientôt une fenêtre, pour sortir. Je dois achever la 2ème
version d’un autre roman. Et je viens de commencer un autre petit livre
de fiction. J’ai écrit une dramatique qui va être bientôt diffusée sur
France Culture, et aussi beaucoup de petits textes… J’ai l’impression
d’avoir tant à écrire, au point d’apercevoir du travail pour mille ans.
Voyez que je tiens à le prouver que je n’ai pas arrêté!
19) Si non : vous dites ne faire qu’écrire
et vivre. Est-ce que vous vivez alors maintenant ? Les deux sont-ils
compatibles, incompatibles ?
Cette ligne
biographique (sur la 4éme de couverture de «La Fiction d'Emmedée») est
assez provocatrice mais elle est vraie. C’est ce que je fais, écrire et
vivre. Elle s’oppose à MD qui pensait qu’écrire empêchait de vivre,
qu’on ne pouvait pas vivre et écrire. Qu’écrire c’était mourir d’une
certaine façon. Je ne suis pas d’accord avec ça. Ma nouvelle
formulation est "le travail de vie" qui inclut l’écriture, et qui
m’occupe entièrement, étant affirmé que ce qui m’intéresse le plus
c’est la pensée.
20) Si oui : Est-ce que la mort de MD est une sorte de libération ?
Non. Ma mère est morte peu après MD, deux ans après, et sa mort a
représenté souffrance et douleur, mais aussi libération. Pas le cas de
MD. Je traverse souvent le cimetière du Montparnasse, je pense à elle,
Emmedée-Marguerite, en passant devant la tombe de MD.
21) Dans «La Fiction d’Emmedée», vous
dites p.198 que "pour écrire on ne pouvait que se situer à la lisière
du monde", c’est-à-dire?
C’est que je
pensais à l’époque, qu’il fallait être en retrait du monde pour pouvoir
le décrire et le comprendre. J’aime moins maintenant la référence
monastique que cela peut avoir. Tout de même, quand je me fais
embarquer, rarement, dans des activités habituelles ou ordinaires du
monde, je peux ressentir que j’ai quitté le pays de l’écriture. Ou,
avec mes mots: c’est comme si je n’existais plus, que je ne pouvais
plus écrire.
22) Vous n’hésitez pas à revendiquer votre lien avec MD... Que retrouvez-vous dans votre écriture que vous "deviez" à MD ?
Je n’hésite pas à revendiquer ma relation à elle, comme façon de dire
ma liberté, celle que j’avais à la connaître sans être phagocyté, celle
finalement d’être heureux de l’avoir connue et d’avoir été appréciée
par elle etc. Ce que je lui dois ? Sur un détail : d’essayer d’être
économe en "trois petits points" (…). Je crois que c’est le seul
conseil d’écriture qu’elle m’ait jamais donné. D’avoir créé mon
écriture? mais j’avais déjà commencé. Une grande validation, même si
dans le milieu de l’édition, en ce moment, c’est plutôt un handicap
pour moi.
23) Avez-vous d’autres choses à me dire ?...
L’interrogatoire est terminé, je peux donc vous laisser la liberté de
me faire part de vos remarques!...
Vous serez
sûrement intéressée de savoir que nous avons eu des conflits, MD et
moi, sur mon travail. Ainsi ce : Je ne comprends pas pourquoi tu as
écrit ce livre, à propos de «La Suive», dans une lettre renvoyée par
POL, avec le manuscrit, par coursier, trop content l'éditeur d’avoir
cet appui. Il est vrai qu'elle demandait que je lui redonne une autre
fois pour comprendre pourquoi je l'avais écrit.
Ou bien, plus avant, un an ou deux après RLV, je propose en même temps
à elle et à l’éditeur, Minuit, à elle un peu plus tôt, une première
version de «Pathetic sun, le film» (c’était le titre du livre, devenu
ensuite «Pathétique sun»).
Elle me donne rendez-vous au café Bonaparte, près de chez elle: Combien
de temps tu as passé pour écrire ça?… six mois?.. bon, tu as perdu six
mois de ton temps, ce n’est pas très grave. La veille, elle avait
envoyé un mot à l’éditeur pour dire de ne pas publier le livre, elle se
sentait responsable de moi, pouvant être mise en cause par mon travail.
Je faisais état d’un monde qui lui échappait. A l’éditeur aussi qui me
disait n’avoir aucune mémoire de ce qu’il lisait (il est vrai qu'il
m'avait plusieurs fois confié qu'il ne voyait vraiment pas ce que je
pourrais écrire après RLV)... je faisais état d’un monde qui partait
vers le multimédia, qui sortait de la simple culture livresque papier,
je dessinais un monde qui s’engageait dans la libération mentale. Pour
«Rapt d’amour», elle faisait seulement des réserves de détail, je l’ai
écrit dans «La Fiction d'Emmedée».
En fait de tout ça, je me suis libéré, j’écris librement, comme un
grand quoi ! je me sens un écrivain libre, ce qui pour MD était une
tautologie. Bien sûr, à mes risques et périls…
(J’espère ne pas avoir été trop maladroite!…)
Non pas du tout, j’espère moi ne pas vous avoir embrouillé avec trop de raisonnements.
A bientôt. jpc
Bonjour "la p'tite étudiante lyonnaise",
Désolé d'avoir un peu tardé à vous répondre, voici la suite des questions réponses:
24) Fiction et Roman pour vous, l'un est équivalent à l'autre?
Il
m'arrive à tort d'utiliser indifféremment l'un ou l'autre, en raison du
sens commun de roman, un genre et l'application de ce genre. Il
m'arrive alors de préférer la qualification de roman de fiction, celui
qui se libère du genre pour se construire selon son propre projet.
25)
MD devient "Emmedée": cela fait d'elle un personnage de fiction OK mais
est-ce que ce changement suffit pour faire de «La Fiction
d'Emmedée» un Roman?
J'ai beaucoup de mal à le considérer comme tel...
Il s'agit d'un roman par défaut, puisque ni essai ni biographie... Le
sujet du roman est la mise en scène de la "fiction" d'Emmedée.
Ce que j'appelle "sa fiction" c'est autant le décor que le ressort de
sa vie, tout comme on pourrait dire que dans une existence ordinaire,
c'est la convention qui constitue le ressort et le décor...
26)
Vous dites "Elle n'avait jamais été un personnage de roman",
qu'est-ce qui fait d'elle un personnage dans «La Fiction» mis à part le
changement de nom?
Qu'elle y est intégrée
en totalité, vie d'écrivain et vie de tous les jours étant
indissociées, au contraire réunies, pour y dérouler sa fiction.
Il y a eu beaucoup de livres écrits sur elle mais pas de roman mettant
en scène son personnage, pas de roman dont le personnage principal
c'était elle...
27) Qu'est-ce alors qui est inventé dans «La Fiction»?
Il y a des éléments de réalité qui se décalent ou qui se
synthétisent pour fonder le romanesque. Et surtout des éléments
d'imagination qui prennent figure de réalité.
Il y a des lieux, des scènes, des dialogues qui n'ont jamais existé
avant le livre et qui cependant rendent compte du personnage d'Emmedée
et de sa fiction. Exemple: le narrateur invite Emmedée dans un lieu ou
je (jpc) ne suis jamais allé avec elle, MD.
Bon, d'accord, ce n'est pas un roman dont on dirait: ça se lit comme un roman, encore que...
J'ai simplement essayé de raconter Emmedée sur un mode romanesque,
parce qu'elle me semblait "assez" romanesque dans la vie. Parce que ce
mode-là me donnait une liberté que je n'aurais pas eu d'une autre
façon... Cela m'est plutôt égal qu'on l'appelle roman ou pas.
Pour une fois (mes livres précédents ne portent pas en 1ère page de
qualification type roman ou autre) j'avais demandé qu'on imprime: «La
Fiction d'Emmedée», roman. Mais quelque part dans la chaine de
fabrication, le mot roman a disparu.
Je revendique depuis peu le mot roman, d'abord dans l'idée que c'est un
genre qui pose des questions sans être à l'origine du livre. Mais c'est
surtout pour me référer aux premiers écrits d'ici, «La chanson de
Roland» et autres qui étaient écrits en langue romane et non
en latin. De même que je n'écris pas (plus) tout à fait en
français classique.
bien cordialement,
jpc
Bonjour Olivia T. Voici des réponses rapides....
28) Est-ce dire que le ressort et le décor pour MD c'est d'être "hors norme", toujours en opposition ?
Hors norme, certainement.
Non, c'est d'inventer son propre décor et ressort.
Emmedée est libre de la convention, tout comme elle se dit libre de la pudeur etc.
Donc elle se fabrique sa fiction, celle qui fonde son existence. Et là on est proche du romanesque.
29) Dans «La Fiction», le "je" est le narrateur, donc ce n'est pas vous?
C'est ce je qui n'est pas moi.
Le narrateur est plus que l'auteur, il est dans la liberté d'être libre de l'auteur.
30) Le "je" serait plutôt une figure de l'auteur, comme on dit?
Ou l'instrument, sa technologie. Dans l'essai, celui qui écrit : voilà ce que je vais démontrer, est l'auteur.
Dans le roman de fiction, le narrateur, celui qui dit et décrit, est en
même temps auteur, acteur, personnage, metteur en scène...
C'est une grande liberté pour l'auteur que le narrateur soit libre de lui.
Je constate qu'il y a beaucoup de "liberté et libre"dans ces réponses rapides ...
Un peu de soleil à Paris aujourdhui ...
amicalement,
jpc
21/03/01 / tous droits réservés / texte reproductible sur demande / m. à j. 16/09/07