Ecrivain (writer, escritor) de langue française, auteur de romans (novels, novelas), textes, dialogues, récits ...
Dirige la revue littéraire en ligne lettreaulecteur.com
Les éditions Comp'Act ont accueilli sur leur site ce blog logue
de mai 2006 à la fin 2007, ensuite Comp'Act a disparu...
laissant place quelques mois plus tard aux éditions l'Act Mem//
LES ENFANTS ET LES COPISTES
Les enfants en apprentissage de la langue déclinent spontanément : vous
«disez», et non vous «dites» , assez logiquement après «nous disons»...
Il faut voir néanmoins la violence avec laquelle les adultes les
reprennent ces enfants lorsqu'il disent ce «vous disez», comme des
petits débiles qui ne savent pas encore que c'est comme ça qu'on dit,
donc que «dites» est la forme correcte!
Il est vrai que l'audace des ces enfants est sans limite, il peuvent
dire par exemple: «vous avez li ou prendu», alors que «vous avez lu ou
pris» nous parait naturel.
C'est le mystère des irrégularités qui ont acquis un statut de règle.
Considérons le parlé de Monsieur qui se dit Meussieu ou M'sieu mais
qu'il faut indéniablement écrire Monsieur, même si le "on" et le "eur" ne sont
désormais plus prononcés. Testons-le à la banque ou à la boulangerie,
pour voir, saluons les hommes présents d'un Bonjour «Monsieur» prononcé
«Mon Sieur» avec le r final... On risquera la moquerie c'est sûr ou
l'accusation de maniérisme, avec raison. Déjà qu'il n'est pas évident
de s'en aller d'un «Au revoir!» prononcé à l'exactitude de «au re-voir»
qui de fait se dit «au r'voir» ou «à r'voir», quand ce n'est pas «à
rvouère»...
UNE ESPECE AU MASCULIN
« Une espèce de » s'utilise de plus en plus au masculin et
sort parfois même de la bouche de gens éduqués. Des gens qui pourtant
le savent que espèce est féminin et ne s'emploie pas au masculin...
Mais dire « un espèce de » paraît être une espèce d'habitude difficile à contrer, quand elle est prise cette habitude!
«Un espèce de » est en effet très répandu autant dans les
conversations qu'à la radio ou sur les télés. Pourtant perçu, par ceux
qui le remarquent, comme une faute de goût, voire un manque
d'éducation...
En l'occurrence le masculin se démarque curieusement d'expression
comparable: une forme, une sorte de... D'un autre côté, il puise sa
force par contagion d'autres mots proches tels que un genre, un mode...
Il reproduit sans doute le masculin de l'insulte: espèce de con! Parce
que cette insulte ne supporterait pas d'en passer par son féminin: une
espèce de con.
L'explication serait ceci: l'espèce est humaine, mais l'homme est masculin jusqu'à revendiquer en plus d'être le neutre.
Retenons plutôt ce que la science a apporté de plus rassurant au détour
du siècle: il n'y a pas de races humaines mais une seule, autrement
dit, il n'y a qu'une espèce d'homme.
UNE RENTREE DE PLUS EN PLUS LOURDE
La rentrée littéraire est de plus en plus lourde à visualiser, soyons
donc polémique! 700 romans nouveaux sont proposés aux lecteurs. Encore
que tous n'arriveront pas dans les librairies locales qui ne peuvent
accueillir tous ces livres auxquels s'ajoutent tant d'autres livres
d'actualité et de document, sans compter le fonds... Une partie
seulement sortira des cartons où les restants séjourneront comme des
clandestins avant de repartir vers l'éditeur, une toute petite partie
seulement figurera dans les vitrines ou sur les tables d'exposition.
France Culture par exemple s'est essayé à faire une sélection de 20
d'entre eux, on ne sait sur quel critère. Comment les journalistes
pourraient-ils les lire tous et en parler en plus?
Il n' y pourtant pas de quoi se plaindre de cette inflation. Elle est
la conséquence de l'immense désir d'écrire que les contemporains
éprouvent chaque année davantage et en plus grand nombre. Il est
d'ailleurs difficile de distinguer dans ce désir d'écrire l'autre
désir, celui d'être publié.
Cependant, pour y parvenir il faut se conformer à un certain modèle
qu'on nommera le roman d'édition. Il s'agit alors d'opter pour une
histoire de préférence vécue, réaliste en tout cas et plutôt tragique,
par exemple de développer une écriture du malheur, d'écrire au passé
simple accompagné de subjonctifs imparfaits, de truffer le texte de
stéréotypes et autres clichés, croyances et dogmes admis par tous qui
permettront aux lecteurs d'édition de s'y retrouver et aux journalistes
d'éprouver une impression de familiarité qu'ils pourront transmettre
aisément aux lecteurs... Je reconnais volontiers que si l'auteur est
habile, c'est un genre qui peut plaire et même se vendre beaucoup.
On ajoutera que les plus ambitieux se chargent sans trop s'en rendre
compte -oui avec une certaine innocence- de copier les grands auteurs,
les grands livres plus précisément... Souvent en version légère, comme
simple matrice, de Kafka à Fitzgerald ou Camus etc. Quand ce n'est pas
un roman à la manière de Robert Musil et de son Homme sans qualités...
Sans gêne aucune quant à eux.
PLUS LE MÊME FRANCAIS
La langue française évolue davantage que ne le croient les défenseurs
de la langue qui voudraient la conserver en l'état, mais lequel
d'ailleurs? puisque cette langue a toujours plus ou moins changé. Il
suffit d'écouter des enregistrements anciens, d'entendre parler des
gens des années 1950 / 60 et même 70 pour se rendre compte des
modifications, les intonations ont changé tout comme la valeur des
accents, l'utilisation des temps a varié, les qu'il fût, pût, si
doctement maniés encore par les clercs d'aujourd'hui ont totalement
disparu du langage courant.
Récemment, le refus du néologisme semble avoir décru, des novations
apparaissent, on constate l'émergence de nouveaux verbes comme
candidater, originer, intuiter, impacter, les enfants vont skater et
font du gravage de disque. Bien sûr des mots d'autres langues
s'intégrent et puis des mots anciens sont réutilisés en mots nouveaux,
comme souris, puces, onglets, gauffres...
Hélas la vivacité dont fait preuve l'oral ne se retrouve pas dans
l'écrit. Car un écrit classique se conserve par inertie s'éloignant en
conséquence de l'oral. Ainsi le temps des romans reste le passé simple
pourtant disparu dans le parler courant.
Mais c'est dans la contraction parlée que se découvre l'ampleur de la
distorsion entre oral et écrit, puisqu'en français on écrit tout, même
ce qui ne se prononce pas. Du coup, à la différence de l'anglais, le
français écrit ne rend pas compte du parler habituel. On dit «j'sais
pas», «à r'voir» ou «y'a pas» alors qu'on écrit je ne sais pas, au
revoir, il n'y a pas etc. Je suis de ceux qui sont favorables à la
prononciation de toutes les lettres, ou bien à la suppression radicale
de celles qui ne se prononcent plus!
D'UN ONGLET A L'AUTRE
Souvenir ravivé de cette maison où j'étais allé rendre visite de
nombreuses fois à ma grand-mère avant que sa grave maladie l'emporte...
Je me rappelle y avoir localisé, quelque part près de la porte
d'entrée, non loin de la boite aux lettres, un engin de réception des
journaux qui seraient arrivés comme ça dans l'instant ou presque...
Puisque c'était ainsi au début des années 1970 que l'on imaginait
recevoir les journaux en l'an 2000, directement à la maison.
Je ne sais si je m'étais représenté une forme d'imprimante qui aurait
fabriqué sur place le journal. Ou plus sûrement une nouvelle machine
opérant à sa façon pour configurer le journal en un temps record.
Sûrement, je ne pouvais pas me représenter que je lirais oui en un clic
les journaux du monde entier, mis à jour constamment et presque en
temps réel, ni que j'y accéderais successivement, passant d'un onglet à
l'autre, sans même avoir à refermer les «fenêtres»...
ET VOILA QUOI!
Surprenante invasion du «Voilà!» devenu en quelques années une des
expressions les plus utilisées dans le langage courant. «Et voilà!»
n'émaille pas seulement le discours dit de banlieue mais infiltre de
nombreuses conversations. Sans doute parce que l'expression ponctue ou
consolide le propos, démontre ou conclut, souvent évite de développer
ou alors indique qu'on est à bout d'arguments. Elle vise aussi à
établir une complicité sans avoir à en décliner toute l'étendue. Elle
dit que c'est ainsi que ça s'est passé et, une fois passé, que c'est
passé...Tout comme il est arrivé ce qui devait arriver, et voilà quoi!
Parfois ressassé jusqu'à l'abus, comme un tic ou bien comme un refrain
de rap, elle est vouée à une certaine durée de vie dont on ne peut
cependant pas anticiper la précision.
LA LITTERATURE TOUJOURS RECOMMENCEE
En tout cas, la littérature est un combat toujours à recommencer.
Parce qu’elle doit affronter les poncifs et les clichés de tous ordres.
Et aussi faire face aux croyances ressassées, à la vision stable, à la
bien-pensance… et même d'une certaine façon à la culture dominante.
La littérature doit-elle satisfaire le lecteur comme un produit vendu dans le commerce, sinon à rembourser?
Là est sans doute le paradoxe de la littérature qu'elle ne réponde pas
à une demande. Elle vient de nulle part, souvent au-delà du traitement
d'un sujet ou d'une histoire et ne ressemble à rien en un premier temps.
Dire d’un livre qu’on l’attendait, c’est poser qu’il ne fait que
reproduire ce que les lecteurs savaient déjà. Or le propre de la
littérature c’est d’étonner, au fond d’emmener le lecteur que nous
sommes tous, vers quelque chose qu’on ne connaissait pas avant d’ouvrir
le livre…
Des statistiques indiquent que le cinéma français ne s’est jamais aussi
bien porté mais que les films d’auteur sont au plus mal, voire que la
cinéphilie est en train de disparaitre. On doit se demander si ce
constat n'est pas transposable à l'édition… Jamais autant de livres
publiés, des ventes records pour quelques livres et la littérature de
création qui parait ne plus avoir de place.
Une des raisons est à chercher dans le fait que les grands machines
éditoriales, postées à la recherche du coup, visent un marché toujours
plus grand public. Et donc ne s'intéressent pas du tout aux amateurs de
littérature, à ces fameux 1500 lecteurs dont on parlait au XXe siècle.
Au fond, à part quelques petites maisons d’édition, personne ne
s'adresse à ce petit public qui aujourd’hui pourrait être cinq ou dix
fois plus important si on considère l’accroissement du nombre
d’étudiants et de lecteurs du fonds de la littérature.Un public qui
s’habituerait en conséquence à ne plus acheter les livres dont
«parlent» les médias majeurs, tout comme le public cinéphile s’est
progressivement déshabitué d'aller voir les films locomotives, tant ils
ne lui sont pas destinés.
Au risque qu'il se déshabitue d'acheter des livres de littérature vivante.
LIRE, NE PAS LIRE UN LIVRE TROP BIENVEILLANT ?
Je voulais parler de cette grande qualité de la langue espagnole dont
toutes les lettres se prononcent, et puis du problème croissant que
pose la contraction qui s’opère en français parlé mais pas dans l’écrit
contrairement à l’anglais…
Cependant je suis trop perturbé par cette question qui relève de
l’honnêteté et/ou de la rigueur intellectuelle : Peut-on parler
d’un livre que l’on n’a pas lu ? Quand bien même il s’agit du
roman -intitulé « Les Bienveillantes »- qui se vend
comme des petits pains, sans que l’on puisse être sûr qu’il soit lu
comme un roman.
Autrement dit : Est-il possible de se prononcer sur un livre qu’on
ne veut pas lire ? Sans doute ce n’est pas possible
intellectuellement, sans doute faudrait-il se taire ou alors se forcer
à le lire…
Sauf peut-être si l’on refuse de s’engager dans la lecture d’un livre
qui imposerait de se mettre dans la tête les confessions imaginées d’un
bourreau.
Donc, tandis qu’on s’échine à traquer la moindre piste d’intelligence,
de se trouver obligé de suivre pas à pas les comportements d’une
ordure. D’être attentif aux sentiments de cette brute, de se glisser
virtuellement dans son cerveau par l’entremise d’un auteur très
documenté. Et finalement de devoir s’identifier, puisque la lecture
d’un roman l’implique, à un personnage détestable et cela pendant des
jours de lecture de neuf cents longues pages en l’occurrence.
LI-LI-LI NET
Le numérique va-t-il tout balayer comme cela se dit souvent, détruisant
au passage livres, librairies et la littérature tant qu’on y est?
Difficile pour l’instant de l’imaginer alors qu’il n’a jamais été
imprimé autant de livres.
On peut d’ailleurs mesurer le chemin parcouru par le livre, en moins
d’un siècle, par exemple en réécoutant François Mauriac narrant de sa
voix éraillée qu’adolescent il devait lire en cachette des livres
aujourd’hui considérés comme plutôt anodins, ceux d’Anatole France, ou
au contraire de très haut de gamme : Les Fleurs du mal de
Baudelaire …
Sans doute n’y a-t-il jamais eu autant de lecteurs de livres bien que
les sollicitations pour occuper le temps de chacun se soient
multipliées. Les lecteurs assidus d’aujourd’hui le sont peut-être même
autant sinon plus que leurs ancêtres de la fin 19e ou du début 20e, en
raison de la facilité présente à se procurer des livres.
En outre internet est en train de devenir une formidable caisse de
résonance pour les livres et même une sorte d’assurance contre le
risque d’enfouissement dans l’oubli.
Il se dit cependant ici et là que c’était prévu, qu’on allait nous supprimer nos librairies de quartier..
Au delà des difficultés liées au commerce et aux pratiques assez
particulières de la diffusion, celles-ci doivent surtout faire face à
l’accroissement considérable du nombre de titres nouveaux, plus de 50
000 l’année dernière en France, sans compter le fond, qu’il est par
conséquent impossible de proposer dans sa totalité.
Les libraires de proximité font donc leur sélection, mais ils peuvent
aussi avoir une adresse électronique facile à retenir, si bien que de
chez soi, à toutes heures, quand l’idée ou l’envie survient d’acheter
un livre, on adresse un courrier électronique à ce libraire d’à côté
qui répond dans la journée ou prévient quand la commande est
disponible. Ce qui provoque alors une visite dans sa librairie où l’on
peut voir, toucher et feuilleter les livres qu’il a retenus. Et pas
forcément -ni seulement- les fameuses meilleures ventes ou encore les
livres des toujours mêmes auteurs (parfois d’écrits mineurs) propulsés
par la grosse machinerie publicitaire.
La fin de la littérature est aussi régulièrement annoncée, mais pourquoi pas la fin de tout ?
Quand on est en panne de définition de la littérature, on peut toujours
se raccrocher à cette phrase rapide de bistrot : de toute façon,
c’est comme ça, deux et deux font quatre, tout le reste c’est de la
littérature ! On saisit alors combien ce «tout le reste» est
énorme et combien la part de la littérature est immense.
Elle est cette part qui, au-delà des variations de formes et de supports, invente des mondes. Et donc le monde pour finir…
MEMOIRE, MEMOIRES…
Jusqu’à maintenant la tendance dominante dans l’enseignement a été de
dénoncer les dangers, effectifs ou supposés, des nouvelles technologies
de l’information. Et ce plutôt que d’en faire la pédagogie dont
l’urgence pourrait se faire jour. Car l’ordinateur, internet, le
numérique semblent désormais y entrer de façon massive.
Voici que le département des Alpes maritimes va distribuer à tous les
élèves de 6éme une clé USB de mémoire réinscriptible avec pour objectif
d’alléger les cartables, cours et exercices s’intégrant au fur et à
mesure dans l’ordinateur personnel. On ne peut savoir ce qu’il en
adviendra. Pas sûr que cela suive dans les collèges ni dans les
familles.
En tout cas l’image est saisissante de cette petite clé (ou clef)
flottant dans le cartable presque vide, avec cependant le carnet de
correspondance et sans doute quelques cahiers encore.
Sa petite taille, sa vitesse élevée d’inscription (silencieuse), sa
durée de vie et sa très faible consommation font de cet objet un outil
magique. Impossible d’imaginer son existence il y a peu encore, pas
plus qu’il n’était possible d’ailleurs de se représenter un écrit
déconnecté du support papier.
En l’occurrence le numérique pourrait se substituer aux livres
scolaires et cahiers, donc prendre la place du papier comme cela est
arrivé pour le Journal Officiel de la République française dont la mise
en ligne a été instaurée en 2004. D’ailleurs sans vagues ni remous, il
faut dire que son impression consommait dans les 6 tonnes de papier
chaque jour!
Mais le numérique pourrait surtout s’imposer en extension plutôt qu’en substitution au support papier.
Ainsi l’éducation nationale vient-elle de décider de mettre aussi à
disposition une clé USB… « pour chaque jeune professeur, qui
permettra notamment de télécharger des contenus pour illustrer les
cours ».
Le support numérique apportant dans ce cas un plus, s’avance alors
comme solution pour faire face à l’hyper inflation de l’impression en
général. Parce qu’en réalité nous sommes parvenus à une limite
d’utilisation possible du papier.
Ce pourquoi, le livre consolidé dans sa fonction, on peut imaginer une
extension sans fin d’inscription et de mémoire par le numérique.
Surtout si l’on considère que son développement s’accompagne d’une
miniaturisation du support et néanmoins d’un accroissement régulier de
ses capacités…
L’ORTHOGRAPHE DANS L’ECRITURE NUMERIQUE
Peut-être à cause de la rapidité de cette écriture, l’orthographe y est
pour le moins fragile, autant dans les mails -sitôt écrits, sitôt
envoyés- que sur les forums les fautes sont très répandues.
Curieusement, des journaux en ligne, tel Le Monde.fr, publient sans
correction les réactions des lecteurs. Or sur écran les coquilles se
voient grosses comme des éoliennes modernes, surtout quand il y a
projection de page d’ordinateur portable pour des conférences
publiques. Cependant s’il ne s’agissait que de négligences, il
suffirait de ressortir martinets et règles plates pour sévir. Sauf que
ce problème de fautes semble recouper d’autres problématiques de notre
époque.
D’abord il peut s’agir de fautes de glissement, comme le
« quelques temps » qui se répand. L’histoire de la langue
comporte d’ailleurs nombre de modifications survenues par répétition de
ce qui a pu être considéré comme faute. Les copistes d’avant
l’imprimerie avaient eux inventé le raccourci x pour signifier le
pluriel en u, ensuite les deux signes ont fini par être juxtaposés. Il
pourrait aussi s’agir de fautes « d’intelligence » si l’on
ose dire. La logique de l’orthographe est si faible par rapport aux
logiques contemporaines que des gens de haut niveau de formation
peuvent faire des fautes du fait notamment de leur aptitude à
systématiser. Il est par exemple absolument indifférent dans ces
logiques-là d’utiliser le s ou le x pour indiquer le pluriel, le mieux
étant d’avoir une seule forme bien identifiée et générale.
Visualisons ce titre d’un magazine à grand tirage : « Ils se
sont vus et se sont parlé » (sic). Certes on peut expliquer
doctement la différence de traitement du participe passé en fonction du
sens, mais cela reste logiquement incertain! Pas sûr qu’on puisse
encore demander aux jeunes gens aguerris aux logiques numériques
d’opérer ces subtilités quand par ailleurs leurs écrits rapides
travaillent la langue à faire frémir les académiciens. Pas sûr que l’on
continuera d’écrire le temp(s) avec un s au singulier, alors qu’on dit
temporel, temporisation… Ou même le mot corps qui se décline
pareillement. La logique voudrait qu’on écrive le corp et les corps, le
temp, les temps etc. Pas sûr enfin que perdure notre orthographe
étymologique de plus en plus éloignée de la prononciation
contemporaine…
Une pensée émue pour le grand Cervantès au souvenir d’une série
d’éoliennes géantes qui dessinait la crête d’un paysage et, comme pour
les besoins d’une photo d’art, se poursuivait en toute surprise par un
moulin à vent très petit en comparaison.
Une pensée surtout pour Don Quichotte dont la paranoïa aurait été
fortement exacerbée, à défaut de se retrouver lui carrément figé sur la
croupe de Rocinante, s’il avait subrepticement et anachroniquement
découvert ces éoliennes modernes qui rythment le temps avec grande
mélancolie.
LA REFORME PAR LE NET
Enfin une réforme de la langue, mise en place en avril 2005, semble sur
le point d’être appliquée en août, ou qui devrait l’être dans le
courant des derniers mois de l’année 2006…
Non, cela ne se passe pas en France, mais en Hollande… Une information
trouvée dans un journal espagnol, car ici c’est grand silence sur la
question, l’idée de la réforme étant un quasi tabou.
Elle l’a d’ailleurs presque toujours été. Et pas seulement en France.
L’Allemagne notamment est en train de revenir sur une réforme adoptée
en 1998 avec période d’adaptation jusqu’en 2005.
Rappeler que la grande réforme du français de 1835 –généralisation du
ais pour les mots terminés jusqu’alors en ois prononcés depuis
longtemps è- (le françois, j’étois, etc.), avait été réclamée au siècle
précèdent par Voltaire. Et que les rectifications de l’orthographe
décidées en 1990 ont presque été oubliées à défaut d’avoir été
appliquées.
Deux exemples liés à la pratique d’internet démontrent pourtant combien
on ne devrait pas être bloqué ni frileux à ce sujet, mais au contraire
s’ouvrir à la transformation.
D’abord le œ (entrelacé) qui ne passe pas et qu’il est donc conseillé
de laisser cote à cote sinon sœur devient en général sour ou seur ou
s?ur…
L’autre exemple qui est plus cruel ou plus comique, selon, c’est le <www academie-francaise fr>.
Passons sur la disparition de l’accent de academie, on découvre
d’ailleurs à ce propos qu’on pourrait se passer de pas mal d’entre
eux.
En revanche, la cédille disparue, on lit frankaise avec le son k!
Que faire ? Convaincre l’internet international de reconnaître le
c cédille qui veut dire petit z (zedilla) en espagnol,
depuis longtemps abandonné dans cette langue.
Ou bien comme autrefois ajouter au c un z ou un e pour l’adoucir. Ou
faire une modification de fond, donc décider que le c produit toujours
le son s sourd sinon il est remplacé par k, ce qui donnerait langue
francaise et kavalier ou karikature?
Ou alors y aller de l’imagination, on écrirait francè (qui fait
« céfran » en verlan), et francèze, solution proposée par un
certain Louis de L'esclache dans son traité: « Les Véritables
régles de l'ortografe francéze, ou l'art d'aprandre an peu de tams à
écrire côrectemant », qui il est vrai était un fervent du
phonétisme, c’était en 1668.
Titre du chapitre 1 : De la conformité de l’ortôgrafe francéze avec la prononsiasion (sic)!
A suivre de très près.
LA LANGUE EN NUMERIQUE
L’expansion prodigieuse de l’écrit avec la diffusion numérique pose la
question de la solidité de son vecteur essentiel : la
langue. Cette langue qui a traversé les siècles avec cette
particularité mystérieuse d’être si différente selon les endroits de la
Terre pourrait-elle être transformée par le numérique ?
La langue y subit en effet un traitement de choc avec la multiplication
des écrits rapides, textos, mails, messages dans les forums et les
jeux, où se pratiquent en grande liberté l’abrégé ou la phonétique sur
une partition proche de l’oral. Il y a peut-être là une nouvelle
langue qui surgit avec des phrases courtes et un rythme vif, sans
ponctuation ni règles rigides. Ce qui renvoie à une autre question
souvent posée : est-ce que cela change quelque chose d’écrire sur
ordinateur ? La langue qui a certainement changé sous
l’influence de l’image pourrait tout à fait changer sous l’effet du
numérique.
Cependant Proust aurait-il abandonné ses longues phrases sur son site
personnel ? Rien n’est moins sûr. D’ailleurs sur le net le
texte a souvent l’allure d’une longue phrase sans fin, notamment en
raison du déroulement vertical.
On peut en tout cas apprécier les longues phrases de Proust sur le site
Gallica de la Bibliothèque nationale de France en consultant Le Temps
retrouvé dans l’édition de 1927. Elles sont en l’occurrence
entrecoupées de liens qui renvoient au manuscrit de Proust.
Celui-ci laisse voir toute sa complexité à travers les légendaires
renvois et autres annotations jusqu’à découvrir qu’il y a là en germe
le procédé de l’hypertexte.
On ne peut hélas pas le pratiquer puisqu’il s’agit d’une image et non
d’un texte numérisé qui permettrait de relier personnages et
lieux.
Du coup, cette visite qui pourrait néanmoins durer plus d’un été, donne
à un moment l’envie de retrouver dans sa bibliothèque ce dernier volume
de La Recherche.
Rien n’empêcherait donc de faire des phrases longues, rien
n’empêcherait d’ailleurs de faire ce qu’on veut dans l’espace
numérique.
En réalité ce sont les inventions des acteurs de la langue qui provoqueront la transformation de la langue.
Alors oui inventons, c’est notre mot, dans les mots, la langue et la vie, une langue qui vivrait, on en a bien besoin.
LA GRANDE VICTOIRE DE L’ECRIT
Il est devenu difficile aujourd’hui de se représenter qu’à une époque
il n’y avait pas d’écrits tant l’écrit a envahi notre monde. Et l’a
bouleversé, transformé, façonné. Et continue de le faire, à vrai dire
toujours davantage. Certes l’image est omniprésente mais elle colporte
souvent sa part d’écrit.
En tout cas, il n’y a jamais eu autant de livres imprimés. Et il y a
toujours plus de gens qui écrivent ou qui veulent écrire. A croire
qu’une sorte de mouvement irréversible et irrépressible pousserait tout
un chacun vers l’écrit comme à un moment chacun de nous s’est mis à la
parole. Et puis il y a désormais des quantités inouïes de textes
présents ou accessibles sur internet qui prend des allures de
gigantesque encyclopédie autant que d’agora mondiale. C’est une
grande victoire pour l’écrit. En conséquence pour la pensée et pour
l’humain, si l’on considère que l’écrit est une victoire sur la
barbarie toujours possible. On peut même penser que les frontières
de l’humain en sont repoussées…
Parmi les contrariétés cependant que nous avons à supporter, puisque
nous utilisons désormais tous un clavier pour écrire, il y a celle qui
résulte du fameux clavier azerty (ou qwerty aux USA) dont la raison
originelle était d’éviter que les tiges des machines mécaniques se
bloquent en faisant en sorte de séparer les lettres les plus
fréquemment utilisées…Bien sûr avec nos machines numériques on devrait
logiquement utiliser un clavier alphabétique, d’autant que
l’apprentissage du clavier en serait grandement facilité. Il est
pourtant vraisemblable qu’il faudra du temps ou un vrai cataclysme pour
se libérer d’azerty.
LA GRANDE VICTOIRE DE L’ECRIT
Il est devenu difficile aujourd’hui de se représenter qu’à une époque
il n’y avait pas d’écrits tant l’écrit a envahi notre monde. Et l’a
bouleversé, transformé, façonné. Et continue de le faire, à vrai dire
toujours davantage. Certes l’image est omniprésente mais elle colporte
souvent sa part d’écrit.
En tout cas, il n’y a jamais eu autant de livres imprimés. Et il y a
toujours plus de gens qui écrivent ou qui veulent écrire. A croire
qu’une sorte de mouvement irréversible et irrépressible pousserait tout
un chacun vers l’écrit comme à un moment chacun de nous s’est mis à la
parole. Et puis il y a désormais des quantités inouïes de textes
présents ou accessibles sur internet qui prend des allures de
gigantesque encyclopédie autant que d’agora mondiale. C’est une
grande victoire pour l’écrit. En conséquence pour la pensée et pour
l’humain, si l’on considère que l’écrit est une victoire sur la
barbarie toujours possible. On peut même penser que les frontières
de l’humain en sont repoussées…
Parmi les contrariétés cependant que nous avons à supporter, puisque
nous utilisons désormais tous un clavier pour écrire, il y a celle qui
résulte du fameux clavier azerty (ou qwerty aux USA) dont la raison
originelle était d’éviter que les tiges des machines mécaniques se
bloquent en faisant en sorte de séparer les lettres les plus
fréquemment utilisées…Bien sûr avec nos machines numériques on devrait
logiquement utiliser un clavier alphabétique, d’autant que
l’apprentissage du clavier en serait grandement facilité. Il est
pourtant vraisemblable qu’il faudra du temps ou un vrai cataclysme pour
se libérer d’azerty.
BLOG, BLOGUE, LOGUE
Curieux que le mot blog ait été adopté avec tant de facilité ici en
France et sans contestation apparente. Surtout pour qui se souvient du
temps qu’il a fallu pour traduire walkman par baladeur. C’est que
dans le cas de blog le concept l’a emporté, le blog ouvrant un espace
d’écriture jusqu’ici limité au seuls medias. En plus le blog a
débloqué quelque chose en installant une voie effective d’interactivité
qui jusqu’alors était plutôt factice…
Quand même je trouve le mot Blog un peu bloc, sauf qu’il vient de web
log, et que log j’aime bien, mais pas web, la toile d’araignée (même si
je n’ai rien contre les araignées). Pas sûr que ce soit
raisonnable de vouloir imposer un autre mot, puisque tout le monde
l’emploie. Sauf à le franciser en blogue et même ne garder que logue
qui renvoie aussi bien à dialogue qu’à monologue.
Dans le cas de walkman (qui fait un retour à travers un nouveau
produit), le mot anglais avait été adopté sans être vraiment accepté.
Il faut dire que les défenseurs de la langue française n’aimaient pas
tellement le produit ni sa pratique. Ensuite il a bien fallu se rendre
compte que les jeunes en particulier aimaient marcher en écoutant de la
musique à l’aide d’un casque sur les oreilles… Finalement ce sont
des instances ad hoc qui ont trouvé baladeur. Très bien, hélas un peu
trop tard, l’habitude était prise de dire walkman, donc après ce
devenait difficile de dire je me suis fait voler mon baladeur. Mais
walkman a vieilli avec la disparition de l’appareil à cassette et
l’arrivée de nouveaux appareils aux noms un peu barbares, si bien que
baladeur a continue sa vie, on parle maintenant de baladeur numérique…
Bizarrement, pour le téléphone, c’est portable qui a gagné, pas mobile
qui pourtant s’oppose à fixe mais ressemble trop à auto. Ni cellulaire,
comme en Amérique. Mot pourtant exact et même concept joli, le
cellulaire décrivant le système de réseau alvéolaire où il y a
davantage de téléphoneurs potentiels que de canaux.
Internet, sans article, a gagné en pratique sur l’Internet. On
dit : je vais chercher ou regarder ou voir sur internet, sans
majuscule comme téléphone, téléviseur ou livre. Internet gagne aussi
sur la toile (d’araignée), sûrement parce qu’en nous renvoyant à la
caverne elle ne rend vraiment pas compte de l’infinie magie de ce
réseau…
12/2008 / tous droits réservés / texte reproductible sur demande / m. à j. 01/2009