Un suicide linguistique
Alors que le français conserve une position de premier plan en Afrique de l’Ouest, on apprend que l’Algérie va introduire l’anglais à l’école primaire où le français, langue de la colonisation, a progressivement disparu des emplois du temps. On apprend que l’anglais fait son apparition sur le billet de 2000 dinars algériens. On apprend surtout que le Maroc s’apprêterait à basculer vers l’anglais… « Dans les pays du Maghreb, on parle moins français qu'il y a vingt ou trente ans», reconnait le Président Macron.
Qu’y faire ? L’anglais s’érige en langue mondiale de communication, on ne peut que le constater. Oui mais dans le même temp, de par le monde, aussi bien qu’ici, en France, des enseignant·es méritant·es s’esquintent à transmettre une langue académique avec tout un tas de complications (accord des noms de couleur, impératif) qui rendent l’enseignement de cette langue difficile. Les questionnements de plus en plus répandus des enfants à l’égard de l’orthographe classique en témoignent.
Il ne s’agit pas de prôner une simplification de la langue mais d’en favoriser sa continuation en correspondance à la logique contemporaine.
« Les Rectifications orthographiques de 1990 » avaient engagé une première piste de rénovation et de réinvention de la langue. Hélas, si elles sont appliquées au Québec, en Belgique et en Suisse, elles ne le sont pas en France. A Paris, non. A l’académie française, quai de Conti, non. Même le quotidien d’idées AOC, pourtant de haute tenue, ne les applique pas. Ni en France donc, où néanmoins « l’orthographe révisée est la référence », désormais incluse dans les programmes scolaires. Les résistances à son application restent entières alors que le français pourrait se montrer une langue toute aussi vivante que l’anglais en acceptant les rectifications, les néologismes, les inventions de concepts. Or à force d’être bridé par les forces conservatrices « on finit par utiliser des termes anglais, les mot-valises y étant plus aisés à manipuler » (Audrey Alwett). Même si c’est contre-intuitif, tant qu’on sera les chantres de la faute et non de l’orthographe intelligente, le français ne sera pas défendu mais mis en danger. Car c’est détourner les apprenant·es de France, d’Europe, d’Afrique et des autres continents de pratiquer notre langue avec enthousiasme.
Pourtant le génie de la langue française est qu’elle pourrait supporter une rationalisation (le e féminin, le s pluriel) si elle était soutenue par les experts de la langue. Il faudrait suivre l’usage, mème quand il parait constituer une faute. Ainsi, entre autres, la règle de l’accord du participe passé avec avoir qui ne se pratique plus guère à l’oral, devrait être réformée (accord toujours avec être, jamais avec avoir?). De même pour les pluriels des noms composés, des sans-abris sans « s » est une faute de logique aujourd’hui.
Ce serait provoquer une sorte de suicide linguistique que d’empêcher la langue de se réformer. Au contraire, il faut poursuivre les rectifications orthographiques de 1990 dans la dynamique actuelle de la féminisation de la langue, voir le succès de autrice ou de metteuse en scène ! Et mème de la très décriée écriture inclusive. Ne pas se tromper, celle-ci n’est pas un caprice féministe, son objectif est la visibilité du féminin par le langage dégenré. Tester : une réunion « entre amis » (des hommes), « entre amies » (des femmes), « entre ami·es » (des hommes et des femmes)
Ce n’est peut-être pas au dictionnaire à quoi les académiciens devraient consacrer leur vie éternelle mais à une nouvelle grammaire !