Comme une tour allongée
in l'aventure DE LA TRANSFORMATION D'UNE HALLE
Nicolas MICHELIN architecte urbaniste
des farines à l'université (1)
(extrait, dernière page)
...
Au-delà du choix d’implantation de l’université dans la ville et en
l’occurrence sous cette forme concentrée, on perçoit qu’ici tout a été
installé à la manière dont l’enseignement se fait en ce moment et
depuis toujours si cela peut se dire. Il est d’ailleurs étrange que la
massification de la population étudiante, dont le nombre est passé de
quelques dizaines de milliers à deux millions et demi en moins d’un
siècle (avec une étape à 200 000 en 1960), ne semble pas avoir
profondément changé les modes d’enseignement. Pas plus que la novation
radicale des modes de communication ne parait pour l’instant modifier
les modes de transmission du savoir.
D’un côté on ne peut pas du tout prévoir comment l’enseignement
universitaire se fera dans le déroulement de ce siècle et même dans les
années prochaines. De l’autre, les possibilités de choix du possible
semblent se multiplier à mesure que s’accroissent les connaissances sur
notre monde dont on dit en conséquence qu’il n’a jamais été aussi
incertain.
Ce pourquoi, bien qu’incrusté dans une structure ancienne ou alors en
raison de cela, cet espace d’enseignement pourrait être celui d’un
enseignement en devenir. Un lieu de fréquentation pas forcément
quotidienne pour des étudiants qui recevront de plus en plus de
l’enseignement en ligne, seront en lien régulier par internet avec les
enseignants, donc ne seront plus dans la nécessité permanente de s’y
rendre.
Il résulte d’ailleurs que si pour une moitié du temps les étudiants
suivent des cours en ligne et travaillent à partir de postes connectés,
cela reviendrait à disposer de deux fois plus de surfaces...
Ce n’est pas remettre en question la primauté du maître, à penser, à enseigner, à transmettre, à éveiller et à faire penser.
Bien au contraire, c’est dire qu’il est dommage qu’un cours d’un
professeur ne soit suivi que par 150 ou 300 étudiants, dans une sorte
de concordance entre mode d’enseignement et taille des locaux.
Il reste que la halle aux farines, nouvelle version, est bien un lieu
pour gérer l’afflux et le flux des étudiants, L’afflux, parce que leur
nombre n’a pas de limite prévisible si on y inclut l’enseignement à
tout âge. Et le flux, puisqu’ici 6000 étudiants devraient utiliser
cette halle dans sa fonction de machine à enseigner au service des
pôles universitaires environnants.
Ainsi se justifie qu’on ait utilisé l’espace à son maximum et, fort
judicieusement, sans déborder de l’enveloppe extérieure à peine striée
de ses claires-voies en lames de béton.
D’où l’allure discrète et altière tout à la fois de la halle nouvelle
qu’on pourrait aussi se représenter comme une tour. Pas seulement parce
qu’on la regarderait de manière « chaplinesque », la tête
couchée sur l’épaule, mais parce qu’elle concentre de l’espace.
C’est une tour allongée de plus de 150 m qui depuis son entrée côté rue
Marguerite Duras s’attache à la perpendiculaire de la Seine…
L’hyper-utilisation de l’espace dans cette halle par les architectes
nous conduit à penser qu’il ne faudra plus forcément et seulement
accroître les surfaces bâties mais qu’il faudra surtout œuvrer pour
étendre notre espace mental.
JPC
(1) Ante Prima, AAM editions, 2007
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