Le débat instauré autour de l'exécution d'un
mandat d'amener sur la personne d'un ancien directeur du journal
Libération devrait nous conduire à agir pour démilitariser notre vie
sociale.
Bien sûr, une raison de diffamation ne devrait pas déclencher une telle
procédure, la police ne devrait pas arrêter des journalistes et bien
sûr celle-ci devrait être absolument irréprochable, ce qu'elle n'est
pas toujours.
Mais même si la police avait en l'occurrence rempli strictement sa
mission, elle serait quand même venue à six heures du matin appliquer à
la lettre une procédure ne tenant pas compte des circonstances, la
présence d'enfants etc. Parce qu'il s'agit d'une mission de type
militaire, nécessairement exécutée avec la rudesse, voire avec les
brutalités de rigueur.
Hélas cette procédure est courante dans ce pays de démocratie, elle
peut nous tomber dessus n'importe quand, comme cela
arrive quotidiennement à des gens qui souvent ne sont pas plus
coupables que ce monsieur, donc et y compris selon un protocole plutôt
brutal, à savoir le menottage, le déshabillage et l'ordre ensuite de
tousser trois fois...
Filmer toute intervention policière, comme cela commence à se
pratiquer, serait une solution qui changerait certainement la donne et
éviterait des abus. Mais cela ne suffirait pas à déclencher une
démilitarisation des rapports civils à quoi la société contemporaine ne
semble pas parvenir.
Nombre de bases de cette société proviennent en effet de structures
militaires qui perdurent alors même que l'armée s'est beaucoup éloignée
de son modèle antérieur.
Ainsi les lycées qui avaient à leur création par Napoléon un
encadrement de type militaire, en conservent quelque chose. Notamment à
travers des comportements autoritaristes ou, plus simplement, par la
pratique de remarques ou annotations humiliantes. D'ailleurs l'échange
de mails répandu aux USA entre profs et élèves, par exemple pour des
renseignements concernant les devoirs, est tout bonnement impossible
ici, et pas seulement pour des raisons de retard numérique de
l'éducation nationale.
La fonction publique est elle basiquement organisée selon un système de
grades et de postes comme à l'armée. Et, malgré de nombreuses réformes,
les administrations en général gardent en fond de fonctionnement
le principe selon lequel le citoyen est un soldat de base qui doit
marcher plus ou moins au pas.
La justice quant à elle perpétue un ensemble de cérémonials militaires
impliquant un assujettissement qu'elle croit nécessaire pour maintenir
son autorité. Et pourtant les moyens de communication actuels lui
permettraient dans beaucoup de situations d'entrer en contact avec les
gens de façon bien plus efficace et évidemment moins couteuse.
Les services publics sont souvent dévoyés dans leur objectif de service
aux personnes par ces structures et ces procédures militaires qui
semblent inscrites sur leur mémoire interne.
Enfin le monde du travail autant dans le public que dans de nombreuses
entreprises privées s'appuie sur des principes plus ou moins militaires
pour faire régner un ordre censé participer à l'intérêt de l'entreprise
quand pourtant la hiérarchie infantilise à chaque niveau où elle sévit.
La militarisation persistante de la société rend la vie détestable pour
un certain nombre de gens sous pression de ces structures-là, elle
constitue en outre un frein à son développement autant économique que
civilisé.
09/12/2008
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m.à j. 9 /4/2013