LETTRE AU LECTEUR 20
La faute aux post-modernes //
Au tournant des années 1990, les post-modernes se sont installés tels des envahisseurs affamés sur le désastre des avant-gardes des années 1970. Au début, dans une certaine naïveté, j'ai pensé que le post-modernisme irait dans le sens d'une accélération de la modernité et non dans un sens de pause ou de retour arrière. Pour moi ce "post" devait être plus radicalement moderne ainsi que Rimbaud le clamait en son temps. Or les post-modernes se sont vite avérés être des archéos.
Ma déception en est toujours grande, tant le "post" à mon avis aurait pu nous sortir un peu du fond historique qui parait remonter sans fin à notre désespoir. Donc je n'ai jamais aimé ce courant, m'en suis toujours méfié, mais il est désormais quasi majoritaire dans les consciences au moment où il s'effondre théoriquement.
Découvert très vite que sa clé était de croire que ça y était, c’était fini, on en avait vu et fait assez, maintenant on devait s’arrêter, en finir avec la modernité. Ce qui est idiot en fait puisque la modernité définit l’état dernier le plus exactement contemporain. Alors se vouloir post-moderne manque de sens en ce que le moment de la modernité se déplace constamment, sans laisser place à une post-modernité mais à une autre modernité.
Les post-modernes sont donc en toute discipline des conservateurs.
En littérature par exemple, ils ont développé une esthétique de l'aliénation, et pour cela ils en sont revenus à la dimension psychologique, et pour cela enore ils ont promu la fiction réalité qui reproduit le monde tel qu'on se le représente communément.
Ils sont par ailleurs des conservateurs de la langue française, -ils ne veulent surtout pas la faire vivre au risque de la condamner à devenir un idiome du passé. Alors ils se rangent aux côtés des puristes -apprenons les subjonctifs imparfaits, retrouvons les vieux mots, gardons-nous des néologismes-, tandis que les concepts contemporains naissent dorénavant dans d'autre langues.
Les post-modernes se sont aussi re-tournés vers les religions, alors même qu'elles n'ont cessé et ne cessent de provoquer conflits et guerres quand elles ne nous renvoient pas aux âges de la non civilisation.
Reste cette question: En quoi le rejet de la modernité renforce l’importance du post-moderne ? Puisque le post-moderne se donne en effet de l'importance en étant post-moderne. C'est qu'à l'image de l’homme buté, il préfère accuser notre époque de tous les maux plutôt que remettre en cause son propre mental.
En réalité, les post-modernes refusent les développements de l'aventure humaine. Ils rejoignent en cela les fondamentalistes et autres intégristes, même s'ils sont d'évidence moins archéos, dont du coup ils sont soit les victimes soit les collaborateurs inconscients.
Car en voulant arrêter le mouvement pour s'en tenir à ce qui existe, ils ont fermé le champ du possible.
Or fermer le champ du possible, c'est privilégier celui de "toujours".
Donc c'est laisser place libre à tous les fondamentalistes, et à eux seuls, quitte à ce que ceux-ci se fassent la guerre pour occuper le terrain. Ce qu'ils font.
18/03/2004 / tous droits réservés / texte reproductible sur demande / m.a.j. 22/12/2005
accueil lettre au lecteur