Illustration d'une attitude psycho-rigide très répandue en matière
de langue, la nouvelle ministre de l'économie ne veut pas être appelée
Madame la ministre mais Madame le ministre. A vrai dire c'est sa
liberté, elle peut même plus ou moins imposer ce choix autour d'elle,
cependant seul l'usage parait en décider.
Ainsi la féminisation de noms de fonctions par le e féminin est
majoritairement entrée dans la pratique au delà des combats
d'arrière-garde des académiciens et des différentes résistances, y
compris féminines. La plupart des femmes concernées préfèrent désormais
être nommées auteure, professeure, ingénieure ou docteure et non par le
masculin de ces mots ni par d'anciens mots féminins comme docteresse.
On voit bien la force de cette féminisation à travers l'exemple de la
fonction sportive d'entraineur. Au féminin, entraineure ne porte pas à
confusion, comme le ferait entraineuse, tandis qu'un Madame
l'entraineur pousserait directement à utiliser l'anglicisme coach.
L'argument de la ministre est que sa mère, agrégée de grammaire, lui a
toujours dit qu'il ne faudrait pas qu'elle soit Madame la mais Madame
le ministre...
On pourrait aisément lui rétorquer que sa grand-mère ou bien l'une de
ses arrières-grands-mères aurait pu lui dire que ministre n'était pas
un métier de femme ou encore que les femmes ne devaient pas porter de
pantalon ni parler sans qu'elles y soient invitées.
Il est surprenant qu'en période annoncée et promue de rupture politique
ce type de conservatisme remonte à la façon d'une certitude d'évidence.
D'autant plus qu'une étude récente a mis en lumière une baisse du
niveau de l'orthographe qui devrait pourtant poser question. Car plus
qu'une simple baisse de niveau général comme veulent le voir les
conservateurs, il se pourrait qu'elle soit le résultat d'une
intransigeance aboutissant à maintenir des formes archaïques au-delà de
toute mesure.
On analyserait alors cette baisse généralisée du niveau de
l'orthographe comme la conséquence d'un conflit de repères entre les
logiques rationnelles dont les enfants et étudiants sont maintenant
gavés et la logique faible de l'orthographe qui finit par leur passer
au-dessus de la tête.
En effet, contrairement aux nouvelles logiques (mathématiques,
scientifiques ou informatiques) celle-ci est basée sur une culture de
l'exception, la règle étant posée pour faire place aux nombreuses
exceptions. De plus, en opposition encore à ces logiques devenues
omniprésentes dans la vie quotidienne, notre orthographie étymologique
érige en principe la priorité donnée à la forme ancienne. Est-ce que
cela peut-se dire en français? telle est la question qui survient dès
que l'invention le dispute à l'académisme. Et puisque ça se disait ou
s'écrivait comme cela, on doit persister à le faire et non dire ou
écrire ceci qui pourtant correspondrait mieux à l'usage présent.
Cette rigidité imposée à la langue courante l'empêche en réalité
d'avoir toutes les ressources nécessaires pour exprimer le monde
contemporain.
C'est pourquoi s'il y a vraiment rupture politique, ce devrait être une
période particulièrement propice à la mise en oeuvre d'une grande
révision de notre langue comme cela est arrivé une ou deux fois par
siècle, à peu près.
L'objectif étant de rationaliser l'ensemble des règles grammaticales,
en transgressant les plus archaïques, donc de les rendre logiques et
générales autant qu'il est possible, et du coup ouvertes à
l'intégration de l'usage.
Pour éviter des difficultés d'adaptation autant que des bagarres
inutiles, on laisserait cohabiter règles nouvelles et règles anciennes,
un peu à la manière de clé ou clef. Et finalement à la manière de
Madame la ou le ministre... de sorte que le jeu revienne à l'expérience
et à la pratique, en définitive aux acteurs que sont tous les parlants
et écrivants de cette langue.
Il faut se rendre compte que cela apporterait un grand soulagement à la
plupart des élèves qui s'en sortent vaille que vaille, et surtout une
véritable bouée de sauvetage aux élèves en perdition pour qui le
français et ses règles souvent incompréhensibles constituent soit une
forme de sélection soit un barrage quasi impossible à surmonter.
Ce serait en outre une occasion formidable de dynamiser notre langue
française dont les bizarreries et les complications orthographiques
expliquent en partie son recul dans le monde.
09/07/2007
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m. à j. 31/08/2007