EMOIS REMONTES DE L'ADOLESCENCE
On avait tout le temp pour nous décider, on s'était dit ça. Pour le début juillet, on avait prévu de partir en Corse, une semaine en baie de Saint Cyprien, toute bleue de soleil, que du bonheur... Pour la suite, on pouvait voir venir et prendre une décision au dernier moment.
Au retour, on resterait une
semaine
à Paris, on avait dit qu'on y vivrait comme si on y était
pour un séjour de vacances, puis on partirait une autre
semaine dans la famille de ma femme à la campagne, suivie
d'une semaine encore à Paris, puis re-départ à la
campagne chez des amis et là enfin on pourrait réserver
des billets d'avion pour décoller un peu avant ou un peu après
le 15 aout. On dit souvent qu'il y a des prix de malheur au dernier
moment, surtout vers la fin des vacances...
Pour aller où? On avait tout
de suite pensé à San Francisco et plus on y avait
pensé, plus l'idée nous avait plu. Bon, notre petit,
pas encore 7 ans, avait dit qu'il ne voulait pas y aller quand on lui
avait annoncé les 12 heures d'avion, voire 15 à 18
heures s'il y avait une escale.
Après on l'avait convaincu,
tu sais dans l'avion on peut dormir, regarder des films et aussi
jouer à des jeux vidéos...
Début aout, un peu avant de
partir à la campagne chez nos amis, on avait regardé
sur le net pour voir où en étaient les prix au hasard
des multiples paquet-voyages.
En fait j'avais déjà
pas mal pianoté durant les semaines précédentes
sur le site de Vousfairepartir.com, des séjours sur mesure à
San Francisco, il y en avait des vraiment pas chers, parfois avec une
réduction incroyable en réservant avion et hôtel
combinés.
Notre grand d'encore 14 ans aurait plutôt préféré qu'on aille à New York mais San Franscisco ça lui convenait, dormir avec son frère il voulait bien, donc on prendrait une seule chambre à deux lits double, ça limitait de beaucoup les frais. Et puis de dix jours on avait ramené le séjour à 9, c'était d'ailleurs la durée du city pass qui permettait de se déplacer autant qu'on voudrait dans la ville sur les différents moyens de transport...
La veille du départ pour la
campagne, cela nous était revenu, plutôt ma femme qui
avait relancé l'idée.
-Et si on allait au Carlton,
comment
ça s'appelle, le Ritz ou le Carlton?
-Les deux, j'te dis.
-Oui mais on ne sera pas assez
fringués pour y aller.
-Si, en Amérique, tu peux
arriver décontracté dans un grand hôtel, je
t'assure...
-Alors on réserve, elle avait
dit.
-Attends, je réfléchis
encore...
Je m'étais installé à la
fenêtre pour réfléchir en même temps que
capter un petit air frais qui venait enfin de souffler dans cette
soirée chaude du 2 aout... Soudain, quoi? qu'est-ce que je
vois
au 1er étage de l'immeuble d'en face, juste de l'autre côté
de la rue?
Un moment d'incertitude à me
demander si j'avais perdu la boule ou si je voyais double...
J'ai dit à ma femme: viens
voir, de la folie...
Elle était connectée à
l'un des réseaux sociaux qui vous prennent la tête au
point de ne plus entendre une parole proche, même de son mari. Comme
j'insistais, elle a demandé
ce qui m'arrivait?
-A moi rien, sauf ce que je
vois...
on dirait un film porno sur une chaine cryptée, sauf que c'est
en clair, si tu vois ce que je veux dire?
-Non, je ne vois pas
-Bien sûr que tu ne peux pas
voir si tu es scotchée à ton écran, c'est
dehors!
Elle avait levé les yeux un
instant, juste pour me prier d'arrêter mon délire. Et
puis s'était reprise:
-J'en ai plus que pour trois
secondes, vas-y, va dormir, je te rejoins...
Façon de se débarrasser
de moi pour continuer de jouer sur son Facebook... Ou alors c'était
son Myspace, encore qu'elle y allait moins depuis qu'elle était
sur Facebook. En tout cas ce n'était pas encore Twitter...
-Tu ne veux pas me croire, je te dis qu'il y a un couple en bas qui se fait tout un cinéma, juste au bord de leur fenêtre, de l'autre côté de la rue...
C'était vraiment incroyable,
surtout que depuis notre 5 ème étage, on avait la vue
plongeante. Et même une vue pénétrante, si j'ose
dire, dans l'appartement de ces voisins.
J'ai regardé un moment, assez
froidement, avec un certain plaisir. Mais à un moment, sans
doute que la progression de leur gestuelle, si privée, m'a
provoqué un sentiment de gêne qui a fait que je me suis
décidé à quitter l'observatoire où
j'étais pour aller dormir.
-D'accord, elle a dit, mais
emporte
ton ordinateur à la campagne, si jamais l'envie nous prenait
de réserver avant...
-Tu sais bien qu'il n'y a pas
d'internet là-bas...
-Je croyais qu'on pouvait le
capter
par satellite
-Oui mais c'est potentiel, il
faudrait s'équiper...
-Enfin il doit bien y avoir un
cybercafé, même au bout du monde il y en a...
Au retour, le 10 aout en début de soirée, je me suis précipité sur l'ordinateur, démarrer la machine, ouvrir le courrier, il y avait une série de mails de Vousfairepartir.com qui m'inctaient à poursuivre ma recherche d'un voyage sur mesure.
Je suis allé aussitôt
sur leur site, hélas j'avais surement mal enregistré
mes précédentes visites, je n'ai retrouvé aucun
des premiers choix que j'avais fait, pas plus le Ritz Carlton qu'un
hôtel avec vue sur baie...
Fallait tout retaper, départ,
destination, date, sans parler de l'âge des enfants...
J'en ai attrapé un moment de
découragement jusqu'à ne plus savoir pourquoi il
fallait partir là-bas.
Dans ces cas-là, c'est une
petite manie chez moi, je me déconcentre, alors je lâche
mon poste de travail et je vais faire un tour à la fenêtre.
Je crois que ça remonte à ma petite adolescence, quand
je m'ennuyais, j'allais à la fenêtre regarder les
passants, en réalité je devais espérer qu'une
copine passe dans la rue, je pouvais toujours...
Mon père régulièrement
m'invitait à aller lire plutôt que de regarder par la
fenêtre...
Avant même d'avoir ouvert la
fenêtre en grand, j'ai pu constater que le couple était
en action.
-Un film porno je te dis, viens
voir.
Mais ma femme était descendue
à l'étage au-dessous, je ne sais pour quoi y faire...
Le type d'en face était fou
infernal, je voyais qu'il venait de s'installer tout tout près
de la fenêtre, juste à la limite de l'extérieur.
Plus près de l'extérieur, ç'aurait été
dehors, autrement dit basculer par la fenêtre en roulade à
reculons...
De toute façon, avec la vue
pénétrante qu'on avait, l'image ne risquait pas d'être
coupée, rien des corps ne manquait à la vue... Le type,
déjà foutu à poil, qui venait juste d'enlever la
culotte de la fille tandis qu'elle retirait d'un geste vif son
tee-shirt, était en train de grimper sur elle, entreprenant
aussitôt une série de mouvements bien connus
d'aller-retours.
C'était si caricatural qu'on aurait dit du faux, tant il faisait comme le font au cinéma les acteurs qui répètent exagérément des gestes, visant à sur-montrer qu'ils s'enfoncent par à-coups au plus profond de la partenaire...
-De toute façon, a dit ma
femme en remontant à l'étage, peut-être c'est
l'effet de la campagne, mais le Grand Hôtel me parait moins
nécessaire, qu'est-ce que tu mates?
-Je t'ai dit, les petits voisins
d'en face, il font les pigeons, ils roucoulent...
-Pourquoi tu ris?...
-En fait, ils font plutôt les
lapins, tu veux voir?
-Je m'en fous des voisins, je
préférerais chercher sur le net s'il y a un voyage qui
nous irait...
...
19/03/2010
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m. à j. 16 /04/2010