Elle
dansait si merveilleusement que l'envie m'est venue de m'approcher
pour danser en connivence avec elle. Elle dansait en effet avec une
énergie incroyable. C'était une petite japonaise qui pouvait avoir
16 ans ou bien 26. Ce n'est qu'en lui parlant plus tard que je
penserai, sans en être sûr, qu'elle avait probablement une
trentaine d'années.
Elle n'était carrément pas très grande,
avait en plus si peu de formes que c'était une simple silhouette.
Tout de même une silhouette vêtue d'un vêtement japonais qui lui
descendait jusqu'aux pieds, cachés eux de chausses en tissus
fleuris.
Et
puis, au-dessus de cette longue robe, on trouvait une belle tête
montée sur un cou fin. Une vraiment belle tête, un visage de
sourire. En effet tout semblait mener cette belle tête vers le doux
rire d'une joie de vivre...
Nous avons enchainé plusieurs titres
que le DJ de Canal 4 envoyait sans la moindre pause. A un moment une
personne est venue lui parler, elle s'est alors arrêtée de danser
et elle est partie sans me faire le moindre signe.
D'ailleurs
elle ne m'avait à aucun moment regardé ni paru faire attention à
moi durant notre danse commune. Non, pas le moindre signal qui aurait
pu indiquer que oui elle voyait bien que l'on dansait ensemble.
Plus
tard je l'ai aperçue arrêtée à une extrémité de la salle,
paraissant seule bien qu'en compagnie de deux ou trois filles
asiatiques d'âges très différents. L'une plus grande pouvait
approcher les 4O, l'autre plus petite n'avait pas plus de 15 ans...
M'étant arrangé pour passer
près d'elle, je lui ai fait spontanément un signe de la main. Un
coucou, à quoi elle a répondu tout de suite vivement. Avec un
sourire de beauté, comme celle que doit produire la première vue
des cerisiers en fleurs de son pays.
Ensuite elle a disparu de ma
vue dans le flot des danseurs.
A
un moment, je suis allé danser à nouveau espérant qu'elle
s'approcherait de moi, mais hélas elle n'est pas venue me rejoindre.
Ni danser à nouveau sur la piste. Il était déjà tard, me suis-je
dit, sans doute était-elle partie, elle et ses autres soeurs.
A
un autre moment je me suis rendu aux toilettes, c'est inévitable,
vous dansez des heures, buvez des rafraichissements pour éteindre la
chaleur qui vous traverse le dos, incontournable de s'y rendre comme
tout un chacun...
Et
voilà qu'en ressortant des toilettes homme, je suis tombé sur elle
qui sortait des toilettes femme. Aussitôt j'ai déclenché vers elle
un sourire de fête et elle aussi en réponse. Je ne voulais
cependant pas lui parler tant qu'on n'était pas sorti du couloir de
ces toilettes, je l'ai donc laissé sortir, retenant la porte pour
cela, précisément quand un groupe d'excités un peu bourrés s'est
précipité dans les toilettes, bousculant un peu la japonaise et
m'empêchant moi de sortir tant que toute la bande n'était pas
rentrée...
Ensuite, ne la voyant pas, j'ai erré un certain
temps dans tout l'espace de l'endroit, à sa recherche, sans la
trouver... Un peu triste, j'acceptais peu à peu de me mettre dans la
tête que j'allais rentrer retourner à mes chères études, rien
d'autres à faire, et surtout pas de m'enivrer pour contrer ce
désagrément...
J'allais reprendre mon manteau en peau d'ours
que j'avais déposé au vestiaire, mais arrivé devant la dame
habillée en jaune qui me demandait mon ticket, et à qui j'allais
dire, puisque je ne le trouvais pas, que je l'avais certainement
laissé dans une poche de mon manteau, j'ai fait demi-tour et suis
repassé par la salle de danse.
Plein
de monde à nouveau dansait. Je me suis remis à danser moi aussi,
d'abord sur place et puis je me suis déplacé tout en dansant à la
recherche de la petite japonaise que j'ai trouvée par miracle
derrière un gros homme qui la cachait comme l'arbre cache parfois la
forêt...
Elle m'a fait un grand sourire en m'apercevant, et puis
elle est venue danser près de moi. Je lui ai dit, en fait hurlé,
tant la musique était à un volume maximal, je lui ai dit que
j'aimais vraiment beaucoup sa manière de danser. J'ai dû le dire
deux fois en sur-articulant tant j'étais peu sûr qu'elle entende ce
que je lui disais...
Quoi? elle a dit, quoi, quoi?
J'ai encore une fois redit ce que j'avais dit. Et là elle m'a plongé dans une surprise fort embarrassante lorsque je l'ai entendu dire :
« Je peux savoir ce que ça veut dire de me dire que vous m'aimez beaucoup? »...
A
la fois j'ai noté qu'elle parlait le français sans aucun accent
apparent et aussi qu'elle approchait très près ses lèvres de mon
oreille pour parler et encore tendait très près son oreille de ma
bouche quand je lui parlais...
-Franchement je ne saurais pas du
tout vous répondre, sauf que cela me fait très plaisir de vous le
dire, oui que je vous aime beaucoup, c'est-à-dire, j'aime vraiment
beaucoup comment vous danser, vous faites vibrer votre corps comme
rarement...
« Ah vous trouvez? Pourtant je suis un peu grand
fatiguée aujourd'hui »...
-Ah bon pourquoi, ai-je dit ? Serait-ce
à cause du changement de lune ou bien plutôt de la baisse brutale
de la pression atmosphérique de cet après-midi ?
-Non,
surement, c'est à cause du décalage horaire, mon mari ne va me
rejoindre que demain, il est resté au Japon pour affaires et je suis
triste qu'il ne soit pas avec moi...
-Je comprends...
-Et
vous vous êtes venu sans votre femme?
-Oui, en ce moment, je
sors sans elle, on n'est pas très bien ensemble, en ce moment, bien
que je crois qu'on s'aime beaucoup.
-Vous
ne vous aimez plus?
-Si
je crois, j'espère!
-Moi j'aime beaucoup mon mari, je l'aimerai
toujours, je ne le quitterai jamais, et je crois que lui non plus...
Parce que je l'aime et que je l'aimerai toujours!
-C'est
à lui que vous devriez le
dire, ce n'est pas à moi qu'il faut le dire.
Elle s'est tue, j'ai cru l'avoir contrariée, en effet elle s'est dressée tout près de moi:
"Pourquoi
vous me demandez encore quelque chose?"
-Ma
petite femme à une époque, ai-je répondu après l'avoir regardé de près, elle aurait pu me le dire et elle ne me
l'a jamais dit, qu'elle m'aimerait toujours...
-Et toi?
-Moi, toujours je lui disais
qu'elle était ma petite femme pour la vie.
-Je suis content de
ta réponse, j'avais peur que tu me répondes que ça ne me regardait
pas.
A cet instant une de ses amies est venue la chercher,
c'était une française chez qui elle habitait.
Elle
a dit qu'elle s'appelait Virginie et, sans se préoccuper de moi,
elle a décrété qu'elles allaient rentrer...
J'ai retenu un
instant la petite silhouette japonaise pour lui proposer d'échanger
nos adresses mail.
« Est-ce
que j’avais quelque chose pour noter ? »
J'avais
deux tickets de métro dans ma poche, je lui en ai tendu un sur quoi
elle a écrit son mail, puis je lui ai donné l'autre sur lequel
j'avais écrit le mien.
Un
peu hésitante, elle m'a redemandé le sien pour vérifier qu'elle
avait écrit la bonne adresse. Comme je retenais le ticket, elle me
l'a pris des mains tandis que je lui proposais de nous retrouver un
jour dans un café en bord de Seine.
Elle
m'a rendu le ticket et puis on s'est quittés sans s'embrasser.
En
rentant chez moi, j'ai retrouvé le ticket sur le quel
j'avais écrit mon propre mail.
Elle
donc avait gardé le sien, nous ne pourrions jamais nous revoir...
3/3/2013 tous droits réservés / texte reproductible sur demande / m. à j. 4/3/2013