Jean Pierre Ceton
romans

FICTIONS EN LIGNE

UNE SIMPLE SILHOUETTE QUI DANSAIT

Elle dansait si merveilleusement que l'envie m'est venue de m'approcher pour danser en connivence avec elle. Elle dansait en effet avec une énergie incroyable. C'était une petite japonaise qui pouvait avoir 16 ans ou bien 26. Ce n'est qu'en lui parlant plus tard que je penserai, sans en être sûr, qu'elle avait probablement une trentaine d'années.
Elle n'était carrément pas très grande, avait en plus si peu de formes que c'était une simple silhouette. Tout de même une silhouette vêtue d'un vêtement japonais qui lui descendait jusqu'aux pieds, cachés eux de chausses en tissus fleuris.

Et puis, au-dessus de cette longue robe, on trouvait une belle tête montée sur un cou fin. Une vraiment belle tête, un visage de sourire. En effet tout semblait mener cette belle tête vers le doux rire d'une joie de vivre...
Nous avons enchainé plusieurs titres que le DJ de Canal 4 envoyait sans la moindre pause. A un moment une personne est venue lui parler, elle s'est alors arrêtée de danser et elle est partie sans me faire le moindre signe.

D'ailleurs elle ne m'avait à aucun moment regardé ni paru faire attention à moi durant notre danse commune. Non, pas le moindre signal qui aurait pu indiquer que oui elle voyait bien que l'on dansait ensemble.
Plus tard je l'ai aperçue arrêtée à une extrémité de la salle, paraissant seule bien qu'en compagnie de deux ou trois filles asiatiques d'âges très différents. L'une plus grande pouvait approcher les 4O, l'autre plus petite n'avait pas plus de 15 ans...

M'étant arrangé pour passer près d'elle, je lui ai fait spontanément un signe de la main. Un coucou, à quoi elle a répondu tout de suite vivement. Avec un sourire de beauté, comme celle que doit produire la première vue des cerisiers en fleurs de son pays.
Ensuite elle a disparu de ma vue dans le flot des danseurs.

A un moment, je suis allé danser à nouveau espérant qu'elle s'approcherait de moi, mais hélas elle n'est pas venue me rejoindre. Ni danser à nouveau sur la piste. Il était déjà tard, me suis-je dit, sans doute était-elle partie, elle et ses autres soeurs.
A un autre moment je me suis rendu aux toilettes, c'est inévitable, vous dansez des heures, buvez des rafraichissements pour éteindre la chaleur qui vous traverse le dos, incontournable de s'y rendre comme tout un chacun...

Et voilà qu'en ressortant des toilettes homme, je suis tombé sur elle qui sortait des toilettes femme. Aussitôt j'ai déclenché vers elle un sourire de fête et elle aussi en réponse. Je ne voulais cependant pas lui parler tant qu'on n'était pas sorti du couloir de ces toilettes, je l'ai donc laissé sortir, retenant la porte pour cela, précisément quand un groupe d'excités un peu bourrés s'est précipité dans les toilettes, bousculant un peu la japonaise et m'empêchant moi de sortir tant que toute la bande n'était pas rentrée...
Ensuite, ne la voyant pas, j'ai erré un certain temps dans tout l'espace de l'endroit, à sa recherche, sans la trouver... Un peu triste, j'acceptais peu à peu de me mettre dans la tête que j'allais rentrer retourner à mes chères études, rien d'autres à faire, et surtout pas de m'enivrer pour contrer ce désagrément...
J'allais reprendre mon manteau en peau d'ours que j'avais déposé au vestiaire, mais arrivé devant la dame habillée en jaune qui me demandait mon ticket, et à qui j'allais dire, puisque je ne le trouvais pas, que je l'avais certainement laissé dans une poche de mon manteau, j'ai fait demi-tour et suis repassé par la salle de danse.

Plein de monde à nouveau dansait. Je me suis remis à danser moi aussi, d'abord sur place et puis je me suis déplacé tout en dansant à la recherche de la petite japonaise que j'ai trouvée par miracle derrière un gros homme qui la cachait comme l'arbre cache parfois la forêt...
Elle m'a fait un grand sourire en m'apercevant, et puis elle est venue danser près de moi. Je lui ai dit, en fait hurlé, tant la musique était à un volume maximal, je lui ai dit que j'aimais vraiment beaucoup sa manière de danser. J'ai dû le dire deux fois en sur-articulant tant j'étais peu sûr qu'elle entende ce que je lui disais...
Quoi? elle a dit, quoi, quoi?

J'ai encore une fois redit ce que j'avais dit. Et là elle m'a plongé dans une surprise fort embarrassante lorsque je l'ai entendu dire :

« Je peux savoir ce que ça veut dire de me dire que vous m'aimez beaucoup? »...

A la fois j'ai noté qu'elle parlait le français sans aucun accent apparent et aussi qu'elle approchait très près ses lèvres de mon oreille pour parler et encore tendait très près son oreille de ma bouche quand je lui parlais...
-Franchement je ne saurais pas du tout vous répondre, sauf que cela me fait très plaisir de vous le dire, oui que je vous aime beaucoup, c'est-à-dire, j'aime vraiment beaucoup comment vous danser, vous faites vibrer votre corps comme rarement...
« Ah vous trouvez? Pourtant je suis un peu grand fatiguée aujourd'hui »...

-Ah bon pourquoi, ai-je dit ? Serait-ce à cause du changement de lune ou bien plutôt de la baisse brutale de la pression atmosphérique de cet après-midi ?
-Non, surement, c'est à cause du décalage horaire, mon mari ne va me rejoindre que demain, il est resté au Japon pour affaires et je suis triste qu'il ne soit pas avec moi...
-Je comprends...
-Et vous vous êtes venu sans votre femme?
-Oui, en ce moment, je sors sans elle, on n'est pas très bien ensemble, en ce moment, bien que je crois qu'on s'aime beaucoup.
-Vous ne vous aimez plus?
-Si je crois, j'espère!
-Moi j'aime beaucoup mon mari, je l'aimerai toujours, je ne le quitterai jamais, et je crois que lui non plus... Parce que je l'aime et que je l'aimerai toujours!
-C'est à lui que vous devriez le dire, ce n'est pas à moi qu'il faut le dire.

Elle s'est tue, j'ai cru l'avoir contrariée, en effet elle s'est dressée tout près de moi:
"Pourquoi vous me demandez encore quelque chose?"

-Ma petite femme à une époque, ai-je répondu après l'avoir regardé de près, elle aurait pu me le dire et elle ne me l'a jamais dit, qu'elle m'aimerait toujours...
-Et toi?
-Moi, toujours je lui disais qu'elle était ma petite femme pour la vie.
-Je suis content de ta réponse, j'avais peur que tu me répondes que ça ne me regardait pas.

A cet instant une de ses amies est venue la chercher, c'était une française chez qui elle habitait.
Elle a dit qu'elle s'appelait Virginie et, sans se préoccuper de moi, elle a décrété qu'elles allaient rentrer...
J'ai retenu un instant la petite silhouette japonaise pour lui proposer d'échanger nos adresses mail.
« Est-ce que j’avais quelque chose pour noter ? »

J'avais deux tickets de métro dans ma poche, je lui en ai tendu un sur quoi elle a écrit son mail, puis je lui ai donné l'autre sur lequel j'avais écrit le mien.
Un peu hésitante, elle m'a redemandé le sien pour vérifier qu'elle avait écrit la bonne adresse. Comme je retenais le ticket, elle me l'a pris des mains tandis que je lui proposais de nous retrouver un jour dans un café en bord de Seine.

Elle m'a rendu le ticket et puis on s'est quittés sans s'embrasser.
En rentant chez moi, j'ai retrouvé le ticket sur le quel j'avais écrit mon propre mail.

Elle donc avait gardé le sien, nous ne pourrions jamais nous revoir...

3/3/2013  tous droits réservés / texte reproductible sur demande / m. à  j. 4/3/2013

accueil fictions en ligne

courrier:  JPC@JeanpierreCeton  english  espaÑol  biographie  liens  commander  haut de page