Jean Pierre Ceton
romans

LETTRE AU LECTEUR 13

Le versant numérique //

Ce versant-là, c'est la possibilité d’échanger de l’information, instantanément et sans frontière, autant que la possibilité de se déplacer avec un support de petite taille pour travailler d'un poste à l'autre, d'un lieu à un autre et pas forcément dans des bureaux par définition analogiques.
Le versant numérique, c'est aussi aimer le feu du désir de la vie, qu'on voudrait tellement plus fou, plus riche, plus créateur et superbe, dès lors qu'il ne servirait plus à alimenter des conflits absurdes ou ridicules.
Le versant numérique, c'est surtout le chemin vers l'intelligence, avec la perspective non pas de rester intelligent mais de le devenir. D’être intelligent de vie, et en conséquence d'être plus humain, je veux dire davantage...
Ainsi sur le versant numérique on ne peut plus affirmer que «son» dieu est plus vrai et plus unique que celui de l’autre. On ne peut plus croire que son peuple est plus élu de dieu que le peuple voisin. Ni que son pays sera plus béni par dieu qu’une autre nation.
On ne peut pas non plus séparer le monde entre sa communauté et les autres qui eux seraient par exemple des «infidèles».
Non, celui qui arpente ce versant–là ne peut pas voir l’autre comme un infidèle ni surement pas se sentir infidèle. Il se révolte même de tout son corps contre cette qualification émise d’un point de vue autocentré et primaire. En quoi pourrait-on le traiter d’infidèle et de quel droit d’ailleurs?
Il ne se sent pas fidèle pour autant, sauf à l’être pour ses amours, ses proches, ses amis. Pas davantage fidèle à ses convictions qui risqueraient de le rendre intolérant ou fanatique et borné, et donc pas intelligent.
Cependant, ici ou là, des colporteurs répètent : oui, mais on nous propose rien, il n'y a rien. Pire, certains ultras décrètent : il n'y a plus rien.
Je suis heureux de rétorquer qu'il n'y a jamais eu autant, qu’il suffit de se tourner vers le versant numérique pour s’en apercevoir.
Or que continue-t-il de se passer?
Des écrivains contemporains se mettent tous ensemble pour traduire une énième fois la bible, comme si c’était de la toute première urgence, sans doute pour faire preuve de leur attachement passéiste.
Selon les journaux, les gens, étant de plus en plus en recherche de sens, se précipitent dans les librairies ésotériques et religieuses où ils trouvent ce qu’ils connaissent déjà.
Il n'y a plus rien à la télé, m’invective un vieux cousin de la campagne qui capte deux ou trois chaines, et à qui je n’arrive pas à dire que j’ai le choix d’en regarder 80 ou cent, que je peux lire les journaux de tous les pays du monde, ou correspondre aux quatre coins de la terre etc. Je peux encore moins le dire à ces chroniqueurs ignorants qui clament à tous vents qu’internet est une poubelle…
Un vieil frère, presque déjà mon ancêtre, reçoit des messages directs, pas par téléphone mobile, parce qu'il est contre, non il entend des voix, de là-haut me dit-il, il en est sûr. Pourtant il n'est pas fou à lier, il est seulement sur le versant analogique, là où l'on croit qu’est vrai ce qu’on croit, là ou il suffit qu’on le croie pour que cela existe.
C'est le monde du comportement égocentrique autant qu’ethnocentrique, celui des éternelles certitudes pourtant cent fois contredites.
Au contraire, le versant numérique est celui de l’accroissement de l'espace mental, celui de l'échange et de la communication, ce qui va clairement avec...

20/10/2001 / tous droits réservés / texte reproductible sur demande


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