Jean Pierre Ceton
romans

LETTRE AU LECTEUR 30

Démilitariser la vie sociale //

Le débat instauré autour de l'exécution d'un mandat d'amener sur la personne d'un ancien directeur du journal Libération devrait nous conduire à agir pour démilitariser notre vie sociale.
Bien sûr, une raison de diffamation ne devrait pas déclencher une telle procédure, la police ne devrait pas arrêter des journalistes et bien sûr celle-ci devrait être absolument irréprochable, ce qu'elle n'est pas toujours.
Mais même si la police avait en l'occurrence rempli strictement sa mission, elle serait quand même venue à six heures du matin appliquer à la lettre une procédure ne tenant pas compte des circonstances, la présence d'enfants etc. Parce qu'il s'agit d'une mission de type militaire, nécessairement exécutée avec la rudesse, voire avec les brutalités de rigueur.
Hélas cette procédure est courante dans ce pays de démocratie, elle peut nous tomber dessus n'importe quand, comme cela arrive quotidiennement à des gens qui souvent ne sont pas plus coupables que ce monsieur, donc et y compris selon un protocole plutôt brutal, à savoir le menottage, le déshabillage et l'ordre ensuite de tousser trois fois...

Filmer toute intervention policière, comme cela commence à se pratiquer, serait une solution qui changerait certainement la donne et éviterait des abus. Mais cela ne suffirait pas à déclencher une démilitarisation des rapports civils à quoi la société contemporaine ne semble pas parvenir.
Nombre de bases de cette société proviennent en effet de structures militaires qui perdurent alors même que l'armée s'est beaucoup éloignée de son modèle antérieur.
Ainsi les lycées qui avaient à leur création par Napoléon un encadrement de type militaire, en conservent quelque chose. Notamment à travers des comportements autoritaristes ou, plus simplement, par la pratique de remarques ou annotations humiliantes. D'ailleurs l'échange de mails répandu aux USA entre profs et élèves, par exemple pour des renseignements concernant les devoirs, est tout bonnement impossible ici, et pas seulement pour des raisons de retard numérique de l'éducation nationale.
La fonction publique est elle basiquement organisée selon un système de grades et de postes comme à l'armée. Et, malgré de nombreuses réformes, les administrations en général gardent en fond de fonctionnement le principe selon lequel le citoyen est un soldat de base qui doit marcher plus ou moins au pas.
La justice quant à elle perpétue un ensemble de cérémonials militaires impliquant un assujettissement qu'elle croit nécessaire pour maintenir son autorité. Et pourtant les moyens de communication actuels lui permettraient dans beaucoup de situations d'entrer en contact avec les gens de façon bien plus efficace et évidemment moins couteuse.
Les services publics sont souvent dévoyés dans leur objectif de service aux personnes par ces structures et ces procédures militaires qui semblent inscrites sur leur mémoire interne.
Enfin le monde du travail autant dans le public que dans de nombreuses entreprises privées s'appuie sur des principes plus ou moins militaires pour faire régner un ordre censé participer à l'intérêt de l'entreprise quand pourtant la hiérarchie infantilise à chaque niveau où elle sévit.
La militarisation persistante de la société rend la vie détestable pour un certain nombre de gens sous pression de ces structures-là, elle constitue en outre un frein à son développement autant économique que civilisé.


09/12/2008  tous droits réservés / texte reproductible sur demande / m.à j. 9
/4/2013

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