Jean Pierre Ceton
romans

LETTRE AU LECTEUR 31

Droit dans le numérique //

"On va droit dans le mur", disait le slogan catastrophiste des années dernières, en fait on va droit dans le numérique dont l'expansion s'accélère à grande vitesse.
Cette année un département français -la Corrèze- a offert à tous ses élèves de 6eme une tablette i-pad... Les collections permanentes du Centre Pompidou sont désormais visibles en ligne... la Scam comme d'autres institutions diffuse en direct ses soirées sur son site web... Les télés proposent leur replay etc.
A San Antonio, Texas, une nouvelle bibliothèque universitaire ne propose plus aucun document imprimé, confirmation: aucune édition papier. Il est vrai qu'elle n'est pas littéraire mais spécialisée en sciences et techniques de l'ingénieur. Une autre bibliothèque universitaire américaine a détruit l'ensemble de ses documents papier après les avoir numérisés, essentiellement des magazines.
Entre autres avantages, dit-on, le format en ligne permet à plusieurs étudiants d'accéder en même temps au « même volume ». On ajoute que les bibliothécaires qui n'ont plus à ranger les étagères peuvent conseiller les lecteurs. Cependant puisque les documents sont accessibles en ligne, et pas seulement dans les locaux de la bibliothèque, on ne sait plus très bien à quoi serviraient les bâtiments des bibliothèques et pourquoi on s'y rendrait!
On annonce que les universités françaises se convertissent au numérique, en fait elles se mettent à diffuser des cours en ligne. Bon, mais attention, à la différence des universités américaines, les françaises les diffusent seulement sur identifiant et mot de passe!
C'est qu'il y a des résistances françaises au numérique. Par exemple, alors que sur les télés anglaises les présentateurs se servent de leur ordinateur à l'antenne, les français ont toujours leur rame de papier qu'ils réordonnent d'un geste rituel durant le générique de fin.
Ce n'est pas grave, pourquoi pas? Sauf que c'est symptomatique de résistances fortes au numérique qui s'expriment également beaucoup dans l'Éducation nationale où l'équipement en tableau numérique est très très faible et où il est toujours difficile de communiquer par e-mail etc. Il a fallu une grève l'an dernier pour pousser à la diffusion de cours en ligne, restée on le craint à l'état d'expérimentation...
Cette résistance marque selon moi l'insécurité dans laquelle la transformation numérique place les « élites » culturelles.
Sinon pourquoi persistent-elles à se défier d'internet, désormais à la disposition de 2 milliards d'humains?
Une partie d'entre elles ne sait pas ou ne veut pas s'en servir. Une autre partie qui sait très bien s'en servir, veut garder les droits ou bien le pouvoir. Car internet, perçu comme une forme de dilution des sources, parait réduire le pouvoir des clercs qui ne veulent surtout pas le perdre, ce qui est compréhénsible lorsqu'on a une position à la radio, et la télévision et dans l'édition papier, et où encore?
Comment expliquer sinon les propos du philosophe Raphaël Enthoven pour qui "internet n’est le lieu ni de l’échange ni du désaccord, mais du consensus, de l’unanimité et, donc, de l’invective et parfois du lynchage". Alors qu'il est pourtant un espace de liberté pour beaucoup d'auteurs, d'indépendance en tout cas par rapport aux pouvoirs qu'ils soient politiques, universitaires ou éditoriaux.
Faut-il perde son temps à répondre à ces contestations du numérique? Ce n'est pas sûr, d'autant que beaucoup disparaissent avec le temps. Comme l'argument selon quoi internet serait une perte de temps alors qu'il en fait gagner pour tout et notamment pour l'accès aux documents.
Ou comme cette question en forme de débat: "internet rendrait-il bête?" qu'un groupe de philosophes, soutenu par des journalistes, ont essayé de lancer, sans succès...
Une autre manière de comprendre cette résistance réside dans une affirmation répandue: « la technique pose beaucoup de problèmes ».
En réalité elle permet d'en résoudre, de ces problèmes qu'on ne posait pas tant il était clair qu'on avait pas de solutions... Ainsi le numérique apporte des solutions à des problèmes qu'on mettait de côté.
Plus simplement: La voie numérique est enthousiasmante parce qu'elle multiplie les possibilités.




01/03/2011  -  tous droits réservés / texte reproductible sur demande / 
m. à  j. 08/03/2011 -

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