Jean Pierre Ceton
romans

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Janvier à Juin 2008

Ce pourrait illustrer la difficulté de prévoir mais aussi l'ampleur de l'incertitude sur ce qui se passera.
Deux figures en effet s'opposent sous-jacentes à tous discours, la première développée par ceux qui pensent inévitable la catastrophe pour l'humanité, et la seconde par ceux qui imaginent que dans les dix à trente ans à venir il se passera des choses formidables!
Deux visions qui séparent radicalement ceux qui pensent que le mal est fait, qu'il est même irréversible, et ceux qui entrevoient des possibilités jusqu'alors inédites de vivre sur Terre.

Pour le romancier N. Fargues, «parler d'amour avec des mots justes passe non pas par le cerveau, mais par l'estomac »,  ce dont il semble être fier.
On voit mal pourtant comment cela pourrait être possible, sauf à s'en remettre à la percussion corporelle, en vogue par les temps qui courent!
Il s'agit en l'occurrence d'une référence à une formule codée et persistante selon quoi le cerveau c'est froid, guère humain, tandis que l'estomac serait plus chaleureux, voire plus naturel.
Les penseurs grecs pensaient en effet que le lieu des émotions et de la vie était le coeur, mais l'on sait bien maintenant que c'est le cerveau, sans que cela enlève du "coeur" -qui lui est un muscle- aux émotions plus ou moins chaudes ou froides, en tout cas neuronales.
Les anciens penseurs encore croyaient voir des canaux sur Mars en l'observant attentivement...
Regarder ces jours-ci les images de la planète rouge (sombre) envoyées pas Phoenix provoque quelques effrois... Le sol y est désert et aride et rocailleux, à ressembler à s'y méprendre à des coins de la Terre.
Mars inhabitée et inhospitalière, déjà nouvelle frontière pour l'humain, deviendra-t-elle vraiment une "terre" de conquête? Sauf coup des dieux, les singes que les russes prévoient d'y expédier en un premier temps plutôt que des humains -voyages trop longs, trop dangereux- ne devraient pas s'y établir durablement...

Le passé simple comme temps de narration révèle désormais une conformité au modèle du roman formaté. C'est même lui qui donne la couleur de ce roman standard, qui en est une sorte d'attestation. 
Ceci pouvant aller jusqu'à l'obsession, en témoigne cette phrase trouvée dans l'un d'eux : «Je pris son verre et le lui jeta à la figure».
A la manière des enfants du primaire qui, pour rendre les histoires plus vraies, utilisent le passé simple en conjuguant tous les verbes en a !

Au fond ce n'est pas que ce monde ait perdu ses valeurs ou ses repères (anciens il faut le préciser), il a surtout perdu pas mal de ses certitudes (souvent imbéciles) à mesure que se se sont développées -et se développent- nos connaissances autant que la prise de conscience qui normalement va avec.
Le développement des unes et de l'autre pouvant d'ailleurs provoquer le désarroi.

Un projet de réforme de la langue préconise un changement dans l'orthographe... Non il ne s'agit pas du français mais de la langue portugaise, environ 2.000 mots sur les 110.000 de son vocabulaire devraient prendre la graphie brésilienne, en réalité il s'agit de rendre l'orthographe plus proche de la façon dont les mots sont prononcés, en supprimant les consonnes silencieuses...
Comment un peuple entier a-t-il pu être manipulé à ce point, pour en arriver à considérer comme normal le fait d'écrire ce qui ne se prononce pas ?
Cette fois le propos concerne le français, c'est un lanceur de tracts assez caustique (Louis Rougnon-Glasson, sur alfograf.net) qui m'envoie cette réflexion.
Et que penser du fait qu'on persiste à trouver ça normal d'écrire des lettres mortes, et qu'on continue de l'imposer à nos enfants tout en se désolant que le niveau de l'orthographe baisse?

Une nouvelle étude dénonce une dégradation accélérée des connaissances en orthographe, à quoi je joins ma propre découverte, sur une copie d'élève de collège, de trois lignes d'appréciation d'un professeur - bon et sérieux professeur- avec trois fautes de « non accord » d'un participe passé, d'un verbe à la 3ème personne du pluriel et d'un adjectif.
J'oppose en général à cette dégradation la pratique de logiques contemporaines qui se trouvent bien plus sophistiquées que les logiques, s'il y en a, qui président aux règles historiques de l'orthographe.
Mais il faut aussi rapprocher de cette dite dégradation l'usage de plus en plus courant des langues étrangères et notamment de l'anglais dont les règles d'accord (rare ou inexistant) sont fort différentes de celles du français.
Dans les deux cas, ces règles n'ont en fait aucune raison d'être considérées comme immuables.

On ne sait pourquoi le journal Le Monde s'est lancé dans l'édition de livres sur de grands philosophes, seul le service marketing pourrait le dire.
Néanmoins voir l'un de ces livres, le PASCAL par exemple, trônant sur un présentoir au-dessus de la caisse enregistreuse du loto et autres jeux français a quelque chose de vraiment estomaquant. 
Mais aussi d'assez rassurant. Car finalement cela signifie que la culture se répand et arrive là où elle manque!

Le recours à la fiction pour Petit homme chéri, tant il semble impossible désormais de se représenter précisément la réalité de ce temps de la guerre 1914-18.
Pour Le Pont d'Algeciras, tant il est difficile de formuler le temps de ce début du XXIe siècle, quand même on le vivrait sans résistance, le plus souvent formulé par des mots d'un temps ancien...

Comme si je m'étais réconcilié avec l'idée du roman, Le pont d'Algeciras, contrairement à mes autres livres, porte sur sa couverture la mention roman.
En fait je n'ai jamais aimé l'idée du roman que le romancier romance. Dès mes débuts d'écrivain je lui ai préféré la fiction construisant chaque fois un monde qui d'une certaine façon n'existait pas avant elle.
Cependant, le roman désignait à l'origine ces récits qui ne s'écrivaient plus en latin mais en langue romane.
Or je n'écris plus vraiment le français classique, j'écris de plus en plus un français inspiré par la langue vivante d'aujourdhui...
Sans doute ce qui peu à peu m'a réconcilié avec l'idée du roman qui invente un monde, n'existant pas avant lui, écrit dans une langue qui n'existait pas davantage avant non plus!

Ce qui marque de plus en plus le flux médiatique présent, c'est que toujours la parole conservatrice passe et se répand.
Presque jamais en effet ne s'entend la parole audacieuse, moderne, nouvelle, inventive, créative.
Qui par exemple se réjouit du dernier lancement d'un engin à destination de la station spatiale internationale? Qui met en avant qu'un pour cent de la richesse mondiale permettrait de faire face aux causes humaines du changement climatique? Qui s'étonne de la constante augmentation de l'espérance de vie? Qui pointe la précision croissante de nos connaissances transformant notre vision au point de ne plus être en mesure de les comparer à celles du passé?...
Sûrement pas les multiples chroniqueurs de presse ou de radio, culturelle ou pas, qui mettent en garde, préviennent, rejettent, récusent, annoncent mille dangers, dépeignent de façon négative et souvent fausse, jouent de la démagogie, recherchant par là une opinion générale toute prête à marcher.
Il y a là une forme de cynisme, souvent celui de gens bien en place qui regrettent un supposé bonheur élitiste de leur jeunesse, ou celui de leurs benjamins répétant ce qu'ils croient être la bonne parole, allez savoir pourquoi!

La fiction salvatrice, au sens terrien. Ou, comment ouvrir une voie possible entre, d'une part:
l'intégrisme fondamentaliste, plus ou moins radical mais de plus en plus présent dans toutes les cultures.
Et d'autre part : la vision ravageuse de la manipulation partout, celle paranoïaque du complot ou encore celle abusive de l'orwellisme.

Hommage à Robbe-Grillet, membre original de l'académie française qui n'a pas voulu revêtir le curieux accoutrement de rigueur, en tout cas de type théâtre ancien, qui a surtout refusé de porter l'épée dit des académiciens.
Il faudrait leur dire aux académiciens, qu'ils arrivent à le comprendre, c'est vrai qu'à une époque ça se faisait de porter l'épée au sortir de chez soi, mais bon aujourd'hui, à part quelques uns qui s'équipent d'une arme ou d'une autre, les gens pour aller à l'extérieur se munissent généralement de leur téléphone, de sorte de communiquer avec le monde...

Doux salut à Diderot alors que se construit toujours davantage, et sans limite prévisible, l'encyclopédie wikipédia qui est en soi un hommage à celle de Diderot. Ne serait-ce que parce qu'il avait dû batailler ferme pour l'imposer.
Il faut dire qu'il avait le projet de «changer la façon commune de penser».
Ce pourquoi il inventera un système de renvois – avant curseur des liens de l'hypertexte- qui selon Diderot «opposeront les notions, feront contraster les principes... ébranleront secrètement les opinions ridicules qu'on n'oserait insulter ouvertement».
De plus pour se jouer de la censure et de la répression -sans y parvenir toujours- Diderot insérait des ajouts discrets dans tel ou tel article orthodoxe, c'est à dire ceux qui s'accordaient aux croyances officielles...
Qué placer!

Ne pas croire ses petites impressions, l'année la plus chaude depuis un siècle aura été 1998, juste devant 2007. En tout cas plus chaudes ces deux années que 2003 avec son hyper canicule, plus que 2006 avec ses 3 phases caniculaires!
Enfin pour ce qui concerne le monde entier, parce que 2007 se situe en France métropolitaine au neuvième rang des années les plus chaudes depuis 1900, à égalité avec l'année 1989...
Bien sûr, au-delà d'un siècle en arrière, on ne saurait pas dire. Pas de bonnes données, le quasi silence, même si les calottes glaciaires ont apporté quelques indications, on est comme des ignorants face à quelque chose qui a disparu.
Les présentateurs TV eux ont dit que ça prouvait bien que le climat se réchauffait.

Les gouvernements ont tendance à réglementer certaines pratiques des peuples pour les sauver de leurs propres excès. Ici c'est le tabac, interdit dans les lieux publics. Encore que la rue, lieu public par excellence, est devenue l'endroit où les gens fument.
Et ailleurs?
Pour le tabac, même interdiction en Turquie, pourtant pays grand fumeur, et cela viendra sûrement un jour au Tadjikistan où pour l'instant il s'agit de restreindre l'ampleur des festivités pour lesquelles les familles se ruinent littéralement. Parfois pour la vie entière, parfois sans parvenir à rembourser.
Ainsi lors des mariages, seules 4 voitures sont désormais autorisées pour constituer le convoi de la « future », il ne doit pas y avoir plus de 150 noceurs à qui seulement deux plats chauds seront servis, les festivités étant limitées à 3 heures. Le tout sous peine de forte amende.
Id pour les enterrements, pas plus de 80 participants. Id pour les fêtes de circoncision, un maximum de 60 invités...
La population est divisée. Pour les uns, cela va éviter que tout soit focalisé sur ces cérémonies. Pour les autres, c'est tout simplement une grave atteinte aux traditions.

Que penser d'un intellectuel qui publie dans Le Monde des plaisanteries de fin de diner: «le tout-à-l'ego»? Que penser du même R. Debray qui écrit en allure de cliché que notre civilisation est sans doute la première à refuser de se laisser interroger par la mort? Rien.
Sauf à souligner qu'elle est en effet la première à accroitre l'espérance de vie de façon plus que significative, la prem à avoir fait reculer la mortalité infantile et celles des mères, à faire baisser le nombre des victimes en général, des guerres, des maladies, des routes, des crimes, et à se questionner sur la fin de vie, l'euthanasie etc.
La première surtout à avoir pu concevoir que des humains pouvaient mourir hors de la terre, comme les astronautes de Columbia.

Nouveau cri d'alarme lancé dans la presse à propos de la langue française, de moins en moins utilisée à Bruxelles et en Europe, hélas simple lamentation!
On peut en effet défendre le français et son (bon) usage par tous les moyens, mais pour que cette langue revienne au premier plan ou qu'elle garde un rôle d'importance il faut la libérer des règles obsolètes autant que contraire aux logiques contemporaines qui la brident. Et lui insuffler une capacité d'invention pour exprimer le temps que nous vivons, notamment en accueillant le néologisme toujours suspecté dans la pratique classique...
La rendre ainsi attractive pour les enfants et les étrangers (et pas pour la seule académie).

S’inquiéter en ce que s’authentifie le discours érigé en constat suprême selon quoi notre monde a perdu ses valeurs et ses repères, et bien plus encore que le progrès aurait apporté plus de méfaits que de bienfaits (voir Edgar Morin).
S’inquiéter parce que ce discours-là est justement le moteur du développement des intégrismes allant des islamistes radicaux aux extrémistes de droite. Si en effet notre monde est pire qu'avant les découvertes scientifiques, plus déboussolé qu'antérieurement aux connaissances contemporaines, s'il a perdu ses valeurs et ses repères et tout, et s’il n’a en rien créé des valeurs nouvelles, alors autant revenir à ce qui existait avant, aux valeurs ancestrales qui n’étaient pourtant pas toutes d’ouverture, de justice et de respect, convenons-en !
Sûrement pas d’égalité, ni de diffusion du savoir, de liberté d’expression, de pluralisme et de parité et encore moins de reconnaissance des droits des minorités. Ni même toujours de solidarité…

Julien Gracq, hier quasi inconnu du grand public et très peu lu du public des lecteurs, devenu selon les titres de presse « Géant des lettres françaises » et « Dernier grand écrivain français »... Qualifié dans toutes les dépêches d'auteur secret  retiré du monde littéraire, peu sensible aux honneurs etc... en des termes à peu près identiques à ceux utilisés à la mort de Maurice Blanchot...
Les Assouline et autres portevoix officiels de la banque centrale (alias Gallimard) ont larmoyé sur le fait que, refusé par cette maison d'édition, Julien Gracq avait dû se publier chez un éditeur marginal, du coup à ce jour toujours pas accessible en poche, donc absent des fameux linéaires des chaines de magasin, bien que publié vivant dans la collection Porsche de Gallimard...
Et, avec justesse, même si c'est comique, ont apologisé son livre brûlot, sur le milieu littéraire, de cette fameuse phrase selon quoi il n'a pas pris une ride.
Finalement ont paru éprouvé sincèrement de l'admiration pour celui qui a refusé les prix, et le Goncourt en particulier, après quoi eux ne cessent de courir...
Mieux vaut pour Gracq être mort que les entendre!

2007 / tous droits réservés / texte reproductible sur demande




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