2012 // 2011 // 2010 // 2009 // 2-08 // 1-08 // 2-07 // 1-07 // COMP'ACT 06 m'écrire
Il faut s'indigner, dit Stéphane Hessel. C'est certainement bien et utile
d'avoir cette capacité-là. Mais on peut aussi s'indigner de tout et de
n'importe quoi, à tort et à travers.
Par exemple, Il y a des adultes qui s'indignent du comportement des
jeunes gens. Sur Facebook, beaucoup s'indignent régulièrement à propos
d'informations qui se révèlent être fausses.
Et puis on peut s'indigner que des humains dorment de nos jours dans la
rue et que cette indignation, largement partagée, ne donne pas grand
chose. Pareil si on s'indigne du fait que des femmes sont pendues en
Iran etc.
Il peut y avoir aussi des indignations contradictoires, ainsi des gens
s'indignent que la burqua soit portée et d'autres qu'elle soit
interdite etc.
Il faut résister, résister dit Unetelle, mais il y a des gens qui
résistent contre ce que vous croyez, vous, être positif. Ainsi certains
font de la résistance contre Wikipédia quand d'autres y voient la
continuation de l'entreprise de Diderot.
Voyez tous ces gens de l'histoire qui ont résisté aux innovations avant
de s'y mettre malgré tout.
Qui était en résistance? Galilée et Pasteur etc. Ou ceux qui
s'opposaient à eux?
Du coup ce peut-être imbécile de résister pour résister
En fait oui, il faut s'indigner, mais ça ne suffit pas. Ainsi on peut
s'indigner que soient remis en cause les acquis de 1945, notamment sur
la sécurité sociale. Mais il faudrait certainement aussi en venir à la
libération de la santé, à mettre en avant ce qui conduit à la maladie,
de sorte que chacun prenne en charge sa santé, autant que possible,
comme cela est en train d'apparaitre via internet...
Il n'empêche qu'il faut savoir résister. A l'occupant, au dictateur, au
harceleur, sans doute. A l'inertie, à l'injustice, à la bêtise...
Sachant le risque de se tromper, et même de s'entêter!
« S'il
y a bien une chose qu'on est une multitude à partager, c'est d'en
avoir assez d'aller dans la direction prise » écrit Nathalie
de St Phalle (exposition Joerg Huber), qui ne fait pas ici référence à
la
politique du président français actuel.
Le
problème est que cette phrase pourrait être signée en effet par
beaucoup, et certainement par tous ceux qui pensent que le monde est
pire qu'il était et/ou qu'il était mieux avant.
En
fait « la direction prise » est une expression codée,
comprise et partagée par tous les gens qui rejettent les nouvelles
technologies, la numérisation, la mondialisation. Et qui critiquent
tout à la fois la financiarisation, l'ultralibéralisme, les
réglementations étatiques, la surveillance des citoyens etc.
La
« direction prise », c'est aussi qu'il n'y aurait plus
d'autorité, plus de respect, plus d'effort. Et même plus de
courage (comme semble le dire Cynthia Fleury par le titre d'un de ses
livres), c'est-à-dire moins. Comme s'il ne fallait pas du courage
pour vivre sans certitude ni croyance... Presque en état
d'expérimentation de vivre, dans quoi nous sommes désormais!
Dans
la revue La règle du jeu, un
article rend compte d'une
invraisemblable soirée au café de Flore, soi-disant organisée pour
fêter les 20 ans de la revue. Avec toute l'allure d'un pastiche, tant
il est rédigé à la manière dont les journaux des années 1950
racontaient une soirée mondaine à St Germain-des-Près. Pour
preuve ces enchainements de narration: "Bousculade à
l’apparition de… Soudain, la machine s’emballe... Le couple
culte de la littérature française... Bousculade à l’apparition
de... Affolement des photographes... Coup de théâtre, on vient
annoncer... La bousculade devient indescriptible... Le monde de
l’édition arrive en force... Car il y a la queue, pour entrer,
jusqu’aux Deux Magots et au-delà – quelle hérésie !"
Finalement
on se dit que ce pourrait être vrai, qu'il y a bien eu cette fête,
simplement que ces gens sont légers comme fétus de paille baladés
du plafond de l'opéra jusque dans la fosse d'orchestre. On se dit alors
que
la défense de toutes les bonnes causes portées par cette Revue et
son directeur B-H Lévy n'est qu'amusement, sorte de romantisme
politique ou façon de se mettre en avant.
On
se réjouit cependant si cela peut sauver Sakineh, cette iranienne
menacée de lapidation, sauf qu'elle n'est pas la seule. La dernière
semaine c'était une autre qui a été exécutée, pour des raisons
similaires, comme l'atteste l'agence de
presse Irna: «Yahed prayed prior to the hanging and then
burst into tears»...
A une autre époque, fin 19e / début 20e -ou même à toutes autres
époques- les fuites de WikiLeaks auraient
provoqué un ou plusieurs conflits armés.
Et pourtant on se rend
compte qu'on y apprend à peu près ce qu'on savait déjà, sauf que
ce n'est plus en langage diplomatique ou
que c'est précisément comme les chefs politiques pensent au fond
d'eux-mêmes. Il
y a donc là un surgissement de vérité plutôt réjouissant.
On
ressent même une sorte de soulagement de voir que les problèmes du
monde sont ainsi traités, comme le font les baronnies de province,
avec tous les sentiments dits humains, la peur, l'arrogance, la
fourberie etc.
Ou bien à la manière dont les gens parlent de leur
vie sur Facebook, laissant transparaitre leur rage, leur désir, leur
fragilité...
Soulagement
aussi de voir que ces problèmes du monde sont possiblement
traitables de façon transparente et non plus cachée derrière des
machines administrativo-politico-militaires redoutables.
Cela
devrait constituer une étape non négligeable dans la
mondialisation politique, à défaut d'en déclencher la nécessaire
régulation économique.
Que
va devenir le livre? On prédit désormais qu'il passera massivement
au numérique dans les cinq ans qui viennent. L'édition papier
continuant son existence parallèlement. Il est d'ailleurs possible
qu'un nouveau public de lecteurs naisse de cette novation.
Mais
le livre numérique, que va t-il devenir? Se transformer en
contenu multimédia avec texte images et sons. Ou interactif, avec
des procédures permettant au lecteur d'inventer plus ou moins le
récit du livre... Il va changer c'est sûr, mais pas forcément dans
ce sens-là.
Ce seront plutôt
des changements qui se profilent déjà dans les textes mis en
ligne. Des changements au fond, dans l'écriture, dans la langue et
la syntaxe, peut-être avec des phrases plus courtes ou du texte plus
dense en informations. Sans doute une plus grande rapidité de texte.
Avec de nouvelles formes, de nouvelles expressions, s'éloignant donc
des vieilles formes ou des vieilles expressions...
Ceci
en correspondance avec une nouvelle façon de lire, en fait plus habile,
contrairement à ce qui se dit sous le manteau. A
l'image de ce qui s'est passé pour les sous-titres au cinéma,
pendant longtemps, on ne traduisait pas tous les dialogues, arguant
de ce que le spectateur n'aurait pas la capacité de tout lire...
Les bousculades de masse ne sont pas si rares, elles surviennent
généralement à l'occasion de pèlerinages, lundi au Cambodge,
c'était le festival annuel des eaux. Le point générateur n'est pas
facile à décrire, à part que c'est
un faible mouvement qui s'amplifie vers l'horreur.
En
l'occurrence, on ne peut pas accuser la technique, le progrès ou je
ne sais quel excès de la modernité. Non, on est dans des zones
troubles de l'humain, qui relèvent de l'absurdité irrationnelle ou
de la folie grégaire. Sauf à accuser le pont lui-même. D'ailleurs
il semblerait que la décision de le détruire soit inévitable, déjà
nommé le pont du malheur, les cambodgiens « très
superstitieux » dit-on ne voudront plus l'emprunter...
Un
prochain pont, techniquement forcèment plus élaboré, devrait éviter que
des
rumeurs sur l'effondrement possible du pont provoquent de nouvelles
bousculades, mais ce n'est pas sûr du tout.
Roland Barthes, en
son temps emmené par France Culture à Illiers-Combray pour
commenter les lieux de Proust, en particulier la maison de Tante
Léonie, répète avec gêne « il faut dire les choses comme
elles sont »!
Car tout lui
parait petit, mesquin, dérisoire. La salle à manger est minuscule,
la cuisine impossible à replacer dans La
Recherche, le parc du Pré
Catelan est un jardin de paysan...
Du coup Barthes ne
cesse de parler du pouvoir de transfiguration du réel par
l'écriture. Ce qui produit en effet la littérature!
Je
n'ai rien a dire sur les prix
littéraires. Houellebecq, je n'aime pas beaucoup ce qu'il raconte, ni
son univers, mais il écrit bien et il parvient à sortir des sommes
qui tiennent debout. Il dit qu'il a particulièrement travaillé la
fluidité de lecture pour ce dernier livre, bon ça devrait se vendre
beaucoup, lui qui vendait déjà beaucoup.
Juste rappeler qu'il a dû supplier l'éditeur Maurice Nadeau (les autres
n'en voulaient pas) et le tanner, sa femme et
lui, pour qu'il publie son Extension du domaine de la lutte...
Entendu dans la rue, en passant ce : « Bon, on va pas lui jeter la pierre!
». Qui m'a renvoyé à la fameuse formule de Jésus : Que celui qui n'a
pas péché lui jette la première pierre...
Phrase que je relis à cette pratique de la lapidation pour donner la
mort, existant encore en Iran et en Afghanistan par exemple, et
évidemment à la menace de lapidation de Sakineh, cette femme iranienne
dont le destin est heureusement médiatisé de par le monde.
Drôle que cette expression de la langue courante se découvre être une
trace d'un lointain passé de l'histoire où la lapidation était un mode
d'exécution répandu.
Trace parmi d'autres d'un passé lointain que cependant on véhicule
souvent sans le savoir.
Ce
qui est
fatigant, dans les débats, c'est que selon son appartenance à tel
ou tel parti, la personne que vous écoutez défendra forcément
telle ou telle position. Elle passera donc par des formules simples
et lapidaires, et peu par une explication raisonnable... Les fameux
« plateaux » radio-télé où défilent une ribambelle de
gens, en général beau-parleurs, et/ou les tribunes d'
« opinions »
publiées dans la presse sont marqués par cette prestation
d'équilibriste, avoir l'air d'exposer une analyse réfléchie tout
« en prêchant pour sa paroisse », comme dit Jérôme
Beaujour.
Rares
sont ceux
qui parviennent à y tenir un raisonnement objectif. Car même
lorsqu'ils ont comme principe d'être rigoureux, à un moment ils se
font piéger par un interlocuteur de mauvaise foi qui les entraine,
au-delà de leur pensée, vers des zones de convictions.
Ces temps-ci, le
plus fort c'est Attali, monsieur réponse à tout, non content de
parler « sur » la personne qui parle, il dégaine un
« vous n'avez pas lu mon rapport, vous ne pouvez pas en
parler! » qui clôt toute discussion.
« Le
lycéen sait bien que la société n'a plus aucune perspective
enthousiasmante à lui offrir » (Robert
Redeker), cette phrase
parue dans une tribune (Le
Monde
21/10/10) est pour moi proprement révoltante.
D'abord
parce que c'est une phrase qui n'est pas pensée, mais balancée.
Ensuite parce qu'elle impliquerait que les sociétés antérieures
proposaient quelque chose à ses enfants. Et puis surtout parce qu'on
pourrait tout à fait affirmer que jamais une société n'a autant
offert à sa jeunesse!
Bien sûr il y a
toute raison de se rebeller contre un monde qui devrait être mille
fois mieux qu'il l'est et qui de ce fait peut rendre triste à en
pleurer.
Il se trouve cependant que les jeunes gens d'aujourd'hui -à
qui au moins on ne propose pas la guerre comme perspective, n'ont
jamais eu autant accès aux études, à la formation, au sport, au
loisir, au voyage, à la communication, à la photo... et à la
connaissance, des universités aux musées en passant par des
supports inimaginables il y a encore 30 ans (lire Proust sur
iphone!). Sans compter le chemin sans fin des découvertes de cette
connaissance du plus petit monde à l'univers. Chemin enthousiasmant.
Cette phrase qui
est reprise par plein de gens de la génération d'après 68,
implique semble-t-il que notre société n'offre pas facilement un
bon boulot bien payé à tous comme c'était dans les années 60. En
réalité idéalisées, ces années-là, où une minorité qui
faisait des études trouvait facilement de bons jobs bien payés,
tandis qu'une majorité qui ne faisait pas d'études était forcée
à de mauvais jobs mal payés.
Il est vrai qu'à
cette époque c'était une question qui était posée. Avec sa
variante, est-ce qu'une société doit offrir une perspective d'une
certain façon philosophique? Ma réponse serait plutôt non, qu'il
ne faut pas que la société offre de perspective philosophique à sa
jeunesse, même enthousiasmante.
Une vidéo
balancée sur le net, reprenant le discours d'un ancien ambassadeur
chinois dont la traduction en français se révèle être un faux,
fait dire aux observateurs que cela montre qu'il y a beaucoup de
choses suspectes sur le net.
En vérité cela
démontre surtout la forte propension de beaucoup de gens à croire tout
ce qu'ils trouvent, du moment que cela va dans le sens de ce qu'ils
veulent
croire.
Lu,
entendu:
« Dans les années soixante, leurs parents avaient du boulot et
ils avaient une retraite » qui est une déclinaison du slogan
nostalgique (mythique ou mystificateur) selon quoi les enfants
d'aujourd'hui seraient moins favorisés que leurs parents...
A part que la
retraite était à 65 ans et que les pensions étaient faibles (on
parlait des économiquement faibles) voire modiques pour certains,
comme les paysans, seule une minorité des jeunes faisaient des
études et les boulots étaient mal payés, sinon pourquoi donc
auraient-ils fait Mai 68? Il est vrai qu'ils sortaient de la guerre
d'Algérie, que le service militaire au mieux était à 16 mois etc. Et
qu'ils
n'avaient ni internet ni portable ni « smartphone »!
En quoi cela empêcherait cependant de donner aux jeunes d'aujourd'hui
le droit de vote dès 16 ans?
La "première" à Trouville-sur-mer de « On ne peut pas avoir écrit
Lol V... » a sans doute été la meilleure des représentations
données depuis mars, même s'il y en avait eu d'excellentes. La plus
belle, sans doute parce que c'était la "première", sans doute parce
que les comédiens ont été très bons, et même brillants, sans doute
parce qu'ils se
sont sentis portés par cette "première" et par le public de cette
"première" du 9/10/2010.
Ici, la
transcription de ma présentation qui glisse vers l'instance du
théâtre:
« ... Je
suis vraiment heureux de vous présenter ces dialogues issus des
Entretiens que j'étais venu enregistrer à Trouville, aux Roches
noires, un début du mois d'octobre 1980, ce qui veut dire il y a déjà
très longtemps... (dans la salle) « Trente ans! » /
Oui, quasiment jour pour jour... Mais ce n'est pas cette sorte
d'anniversaire qui me touche le plus.
Peu de
temps après la première diffusion sur France Culture de ces
Entretiens -qui depuis ont été plusieurs fois rediffusés, et
encore récemment... Marguerite Duras m'avait dit,
il faut qu'on en fasse quelque chose, il faut qu'on fasse quelque
chose de ces Entretiens.
D'ailleurs quand Radio France lui a
envoyé une copie de l'enregistrement, elle s'était mise à
la transcrire elle-même, à la main, au stylo plume, en tout cas le
début, à l'aide d'un petit appareil à cassettes, puisque c'était
des K7 dans les années 80.
Ensuite elle m'avait fait parvenir
quelques pages de cette transcription, je lui avais répondu, nous en
avons reparlé plusieurs fois et puis le temps a passé, et je n'ai
finalement jamais su ce qu'aurait pu être ce quelque chose qu'elle
aurait voulu faire de ces Entretiens pour la radio.
C'est
donc cela qui me touche particulièrement, ce quelquechose, ainsi des
années après...
que ces dialogues soient redonnés, et redonnés par des comédiens qui
n'étaient
pas nés en 1980...
Voici donc: « On ne peut pas avoir écrit Lol
V Stein et désirer être encore à l'écrire »... qui commence
par l'épisode de "la rencontre avec la vieille dame de la rue de
Londres à Trouville", sachant qu'on ne sait pas qui
avait provoqué cette rencontre ».
Dans le noir, la voix
d'Aurélie Houguenade : « C'est moi! »... Puis, en pleine
lumière: « C'est moi qui lui ai adressé la parole »
etc... Le
spectacle avait commencé.
Des mises à jour récentes de traitement de textes (en l'occurrence de
open office) font que désormais l'accent circonflexe de apparaît,
paraît ou plaît s'écrit par défaut.
Si vous
avez la perversion de l'enlever, le correcteur n'indiquera pas de
faute en accord avec la réforme -dite rectifications à
l'orthographe de 1990, qui propose de ne pas mettre d'accent
circonflexe sur le i sauf pour distinguer par exemple il croit et il
croît.
Je
persiste à me sentir en accord avec cette réforme pour la raison
majeure que ces accents ne se prononcent plus comme dans chaines de
télévision à la différence des chaînes de galériens.
Cette
nouveauté m'enlève cependant un autre argument qui était que
l'écriture de l'accent circonflexe n'est pas vraiment facile sur
clavier, sans regret d'ailleurs et même je m'en réjouis.
Mais
alors pourquoi ne pas faire en sorte que ces traitements de texte
écrivent directement l'accent circonflexe sur le e de être, qui là
aussi est compliqué à déclencher sur un si petit mot, si important et
si souvent
utilisé.
Et
pourquoi pas sur le e de arrêter, et sur les o également. Bien sûr le
plus tôt serait le
mieux!
Dans la
sphère francophone, les langues africaines et la langue arabe en
particulier (donc marocaine, algérienne etc.) insèrent à chaque
détour de phrases des mots ou expressions en français, ce sont
souvent des mots contemporains ou techniques...
Étonnamment, et
d'une manière un peu comparable, le français intégre des mots et
expressions de l'anglais. Et bien au-delà de ceux devenus courants
comme parking ou weekend, notamment dans les milieux spécialisés,
informaticiens, scientifiques, universitaires en général, puisque
l'anglais est leur langue de communication internationale. Parfois,
on prévient d'un «comme on dit en anglais», ou on ajoute «comme
le disent les Anglo-saxons».
Je ne crois pas
qu'on dise, dans le premier cas, comme disent les français!
Entre
les dirigeants de la Corée du nord et ceux des Farc de Colombie, par
exemple, il n'y a sans doute pas grand chose de commun. Pourtant ces
gens, convaincus du bien fondé de leur action, illustrent
dramatiquement comment l'espèce humaine est capable de produire des
mondes de complète folie qu'eux voient comme une normalité. Au
point qu'ils ont comme objectif premier de les perpétuer...
Hélas, ils ne
sont pas les seuls! Il y en a eu pas mal dans l'histoire et il y en a
toujours par les temps qui courent, aussi bien à l'échelle macro
qu'à l'échelle micro de nos sociétés.
« Avoir
écrit » ou « Ne pas avoir écrit ». Ces abrégés
du titre que j'ai donné aux dialogues des Entretiens avec
Marguerite Duras pour France Culture: « On ne peut pas
avoir écrit Lol V. Stein et désirer être encore à l'écrire", ces
abrégés de cette phrase durassienne donc, en positif ou en négatif,
disent la même chose.
Ce qui a été écrit
ne peut plus l'être. Le moment où
cela a été écrit ne peut plus être vécu. Ce pourquoi et ce
comment cela a été écrit ne peut plus se retrouver, de quoi il
peut naitre autant de la douleur que du soulagement...
Le spectacle en présentation unique,
ce soir, au Temps, avant les Rencontres Duras à Trouville, n'est
plus tout à fait une lecture. Les comédiens lisent le texte certes,
mais ils se déplacent, bougent, ils s'installent avec jubilation dans
l'espace tissé par ces dialogues qui viennent
de la pensée en direct, sans filet, de la parole même... Du
coup MD est là parmi nous en train de penser, de vivre tout à la
fois la vie et l'écrit.
Il
est courant d'entendre parler d'affaiblissement général... Il n'y a
plus de dialogues, déclarait même récemment Jacques Doillon qui
« le voit bien dans les scenarios qu'on lui demande de lire ».
Il
y a beaucoup de choses faibles certainement, que le temps en général
traite par l'oubli. Beaucoup de choses insignifiantes ou légères
aussi, mais qui ont justement pour objet de l'être, telles la
plupart des productions télévisuelles. D'ailleurs d'une année à
l'autre des productions mises en avant de façon tonitruante par les
medias peuvent disparaitre sans bruit...
Mais
il faut aussi voir que nous comparons ce qui se fait à ce qui a été
conservé des productions antérieures, donc des meilleures...
Et
ne pas oublier que nombre de ces productions ont été réalisées
plus ou moins dans la marginalité, souvent avec des moyens
dérisoires.
Il
est vrai cependant que les producteurs éditeurs semblent faire de
plus en plus le choix du marché, et du marché qui peut rapporter
gros, celui de la production de masse.
Alors
ils traquent tout ce qui peut d'après eux séduire un public de plus
en plus vaste. De cela on peut tout à la fois se réjouir ou bien se
lamenter.
Ce
qui est dommage, c'est que ces producteurs-là s'écartent d'un
public plus restreint, les fameux "happy few" qui pourtant aujourd'hui
représentent un public bien plus large que ceux dont parlait
Stendhal.
Le
président visite aujourd'hui la vraie grotte de
Lascaux et pas la copie conforme construite à quelques kilomètres
de là pour les touristes.
En revanche, tout terrien, de quelque endroit qu'il se
trouve, peut quant à lui faire une visite virtuelle de la grotte...
je sais, c'est pas pareil...
Mais une visite tout de même très impressionnante...
Il peut même s'arrêter quand il le souhaite sur des gros plans et
scruter en déplaçant le curseur ou en utilisant le zoom les détails
qu'il a envie de regarder avec plus d'attention, la vache noire, les
cerfs nageant ou l'homme blessé... Et y retourner quand il veut et à
tous moments...
Génération
sacrifiée, l'expression arrive comme ça,
à la radio, légèrement, au petit matin, entre deux bonjours. Il est
question de
la génération des jeunes d'aujourd'hui. Terrible, de quoi la
décourager un peu plus!
Un rocker américain des années 1970 chantait déjà
la génération sacrifiée, mais il se référait à la guerre du
Vietnam. L'expression a surement été utilisée la première fois
pour celle de la guerre 1914-1918, au sens propre du mot. Sacrifiée
parce que sa jeunesse volée par la guerre, une bonne proprotion
ayant été tuée ou handicapée.
Ici et maintenant, il s'agit de la génération qui a
du mal a trouver du travail, qui doit faire des boulots qui n'ont
rien à voir avec leur formation. Ou qui doit faire face à une
compétition de masse, liée à la démocratisation de l'éducation.
Donc on pourrait jouer à inverser les choses. Parce que
les générations antérieures ont souvent connu le manque et non le
trop plein d'aujourd'hui.
Du coup, les générations sacrifiées ce
seraient plutot toutes celles du passé qui n'ont pas connu la
libération des femmes, la contraception, internet et le téléphone
portable, la communication en temps réel, l'accès à la
connaissance d'un clic ou deux etc.
Et les voyages rapides et... même la traduction d'un
déplacement de curseur.
Une
expression (forte de conviction, semble-t-il), revient dans les
discours d'écrivains en place: « On voudrait nous faire
croire que... ceci, cela »...
Chaque
fois je me dis mais qui donc est ce « on » puisque ce
n'est jamais précisé? Qui voudrait nous faire croire? Le pouvoir,
le président, les églises, le discours dominant?
Car
l'étrange, est que ceux qui répètent cette expression (par exemple
Sollers ou Fleischer) sont clairement dans le courant dominant ou en
tout cas en position de dire ce qu'ils veulent (et d'ailleurs ils ne
s'en privent pas)...
En
fait, en creusant bien, je crois comprendre que ce « on
voudrait nous faire croire » est une forme de critique ou un
argument de défense à l'égard de ce qui représente pour eux
la modernité...
Mais
qui donc aime la rentrée, à part les amateurs de foot
dont le championnat a déjà repris en aout?
Les amoureux de la littérature
qui se réjouiraient de la rentrée dite littéraire? pas bien sûr...
Les
auteurs ont l'air de souffrir, ceux qui en sont et ceux qui n'en sont
pas. Les critiques se plaignent -enfin ils devraient- d'être
dans l'incapacité de lire toute cette production qui pourrait
tout aussi bien être étalée sur les longs mois de
l'année. Ils se plaignent aussi de
la médiocrité de beaucoup de livres mais en parlent
quand même...
Peut-être les gros éditeurs qui
auraient intérêt à en sortir plein pour
faire financer leur trésorerie par les libraires (source: un
billet de la République des livres de l'an dernier).
Ce
qu'il y a de triste dans la rentrée, c'est la perspective de
devoir recommencer à peu près dans les mêmes conditions.
Les vacances étaient une fuite hors du truc et puis faut
revenir dans l'ordinaire, horrible!
Pire, c'est l'injonction au fond
qu'il faut rentrer dans le rang. Rentre ou va crever avec les Roms!
(j'exagère).
J'avais
rêvé pour ma part -et rêve encore- qu'en toute logique mon livre
« Le petit roman de juillet » sorte en juillet,
hélas aucun des éditeurs que je connais n'a trouvé
que c'était une bonne idée...
On
sera de plus en plus déprimés, dit Houellebecq, en
raison du niveau d'exigence des humains. Lui qui, comme il le laisse
entendre, écrit clairement des livres pour les « cons »
et pour ce faire aligne autant que c'est possible les clichés
les plus ordinaires, a parfois des instants de clairvoyance. Sauf
qu'il en tire des conclusions imbéciles.
Oui
le niveau d'exigence des humains s'accroit, c'est même une
donnée notable que la plupart ne veulent pas voir.
C'est pourtant une source de plus grande conscience et d'exaltation,
même pour les quelques déprimés que ça
peut déprimer en effet.
Les animateurs d'émissions invitent de plus en plus des spécialistes, notamment des universitaires. Sans vouloir critiquer ces derniers, quelque chose de comique s'instaure dans la présentation que l'on fait d'eux. En général on les décrit comme enseignant en... au département de... à l'université de... et également enseignant à l'université de... en outre directeur du laboratoire de... A quoi on ajoute le titre de leur dernier ouvrage, complété d'un sous-titre à rallonge... Le tout prenant donc l'allure d'un étalage interminable.
Si
je contre chaque fois les phrases glissées dans le discours, comme
vérités évidentes sur l'époque, du genre « tout s'appauvrit,
détérioration de tout, on est revenu en arrière... » ... c'est pour
résister au discours de l'extrême droite.
Par exemple, avec la transparence et l'information généralisée, on
finirait par avoir plus peur que lorsqu'on savait rien ou peu et que
finalement on connaissait mal le risque ou les dangers. Or s'il y a
effectivement des faits divers horribles, il se trouve que la
criminalité en général tend à diminuer en nombre depuis un siècle alors
que la population a plus que doublé...
Donc si je mets en avant cette vérité statistique c'est pour
contrer l'efficacité de la phrase de café: "Avec tout ce qui se passe"!
Et c'est mon engagement à lutter contre le discours populiste dont on
découvre qu'il est en fait repris de façon majoritaire...
Un
critique journaliste (et écrivain bien en place) fustige le
monde de l'édition qui ne parlerait plus que de combien valent
les auteurs, enfin quelques-uns, une dizaine... Lui qui connait bien
le milieu doit savoir de quoi il parle quand il ajoute que la question
de savoir si les livres sont bons ou intéressants ne se pose plus...
Donc
la question est à poser.
Outre l'appât de gains massifs, le système est en fait piégé
par la demande des lecteurs massifs. Eux, ce qu'ils veulent c'est une
sorte
de reflet de leur propre vision des choses... Les auteurs se doivent de
leur
raconter plus ou moins ce qu'ils savent ou pensent (?) déjà...
Précisément
ils veulent qu'on leur re-serve leur idéologie, pensée
ordinaire et tradi, avec décorum culturel!
Donc tout ça n'a rien à voir avec la littérature qui a sans doute pour
objet de continuer d'inventer le monde...
Le
Maire de Paris voit un rapport entre l'atmosphère délétère
de la France de la fin des années 1930 et « l'époque
actuelle » .
En
tout cas les extrémismes de droite d'aujourd'hui n'ont
heureusement rien à voir avec ceux de cette époque
lointaine... Où le maire de Paris a t-il vu les événements
de février 1934 dans sa capitale?
Cette
comparaison entre les années 1930 et celle de 2010 est
absurde, elle est même franchement suspecte... C'est très
étonnant de la voir pratiquer par divers acteurs
médiatiques bien différents. Certains croient y déceler des similitudes
convaincantes au point de la développer dans une apparente
jubilation. A se demander s'il n'y a pas une fascination inconsciente
pour le chaos qu'elles représentaient et à quoi elles ont
abouti.
Je
me sens libre de dire que non, hormis la fameuse crise économique,
rien ne rapproche ces périodes-là. Et que surtout rien
ne peut permettre de penser que nos années présentes
peuvent s'engager dans ce chaos-là.
Qu'est-ce
qui explique que je doute souvent des affirmations des conversations
usuelles.
D'abord que ces conversations ont en général
comme moteur le fait d'épater ou de s'épater soi-même.
Ensuite
qu'elles forcent les faits par principe à la manière
des contes des conteurs...
Et
puis, surtout, je suis peu croyant, donc je ne crois pas facilement.
Par exemple que le président prend de la coke avec sa femme,
ou bien que 1984 s'est réalisé (ce livre qui dépeignait
en fait le stalinisme) ou bien que tout s'appauvrit de nos jours quand
les
possibilités ne cessent de s'accroitre...
En
fait je me refuse aux assertions trop grosses et fatiguées,
par exemple: la France est devenue une république bananière,
car alors je pense, mais quel mot pourrait-on utiliser pour qualifier
les républiques bananières, cad les pays où la
corruption est généralisée, où la police
est plus dangereuse que les mafias?
Ou
bien: Ça n'a jamais été aussi pire... Car
qu'aurait-on pu dire des périodes horribles de l'histoire,
celle de la guerre nazie ou de la peste qui tuait la moitié de
l'Europe?
Oui
mais je suis un convive pas agréable, à force de tout
mettre en doute, un peu rabat-joie du coup, de ne pas croire ce qui
fait tant plaisir à croire au pékin (péquin) de partout...
Alors
je prends des gants, je dis: tu crois vraiment?... Ah oui? je ne
savais pas!... Oh, peut-être c'est un peu exagéré,
non?... Ou, carrément: moi je ne crois pas à des choses
pareilles!
Tout
s'appauvrit dit N. Ah oui, tout tout s'appauvrit! rétorque son
voisin. Et quoi? qu'est-ce qui s'appauvrit: tout!
Cette affirmation
affirmée comme évidence par des jeunes gens qui
pourtant peuvent avoir en poche des appareils extraordinaires est
rien moins qu'étonnante, surtout qu'elle reprend la thématique
de gens vieux déçus d'eux-mêmes plus que de leur
époque...
Bien
sûr que les écrivains d'aujourd'hui n'écrivent
pas tous comme Chateaubriand, mais il faut se rendre compte que de son
temps non plus!
En revanche la donnée majeure de cette
époque c'est justement selon moi que tout s'accroit, les
connaissances, les possibilités...
Ce qui
s'appauvrit si j'ose dire c'est par exemple la taille des appareils
de communication, de plus en plus petits et en même temps de
plus en plus performants.
Deux
écrivains se réunissent pour dire combien ils aiment
Rimbaud, laissent entendre qu'ils connaissent son oeuvre presque par
coeur, à part quelques lettres d'Abyssinie, parce qu'il y en a
trop (et puis qu'elles sont de moindre importance)... avouent qu'ils
le citent souvent dans leur livre... qu'ils en glissent des phrases
dans leurs textes... L'un d'eux a un autre auteur
préféré c'est Chrétien de Troyes.
Mais
qu'est-ce qu'ils retiennent de Rimbaud? Qu'est-ce qui fait qu'il les
inspire aujourd'hui, ne diront rien de tout ça...
Auraient
presque pu faire le même éloge il y a 5O ans ou un siècle, encore qu'à
cette époque ils auraient sans doute été moins
chaleureux...
Qu'est-ce qui les attire chez lui, l'un aurait pu
parler d'une forme d'éblouissement...
Et vous donc, il aurait
fini par lui dire?
Et bien moi j'aime qu'il ait écrit son
« il faut être absolument moderne. »...
Et aussi son « il faut être voyant ».
Ce que souvent je traduis par "il faut voir loin", c'est à dire
au-delà des premières couches au moins!
Ils se sont permis de corriger des fautes chez Duras, dans les
« Cahiers
de la guerre »!
On
donne décidément trop de pouvoir aux correcteurs
d'édition qui ne semblent pas comprendre que pour l'écrivain,
bien sûr que l'orthographe n'est pas la première
préoccupation. Non pas, mais d'abord celle d'écrire,
d'écrire quelque chose qui ait du sens, qui forme du texte.
Ils
se sont permis eux de corriger des fautes chez la Dame, des fautes
qui d'ailleurs n'en étaient peut-être pas... En effet si
l'on considère que nombre de régles reposent sur le
sens, ces correcteurs ont pu ne pas comprendre celui voulu par
l'auteur. Ils se sont donc vraisemblablement autorisé à
modifier le sens, bon, dans le détail, d'accord.
Aurait
il fallu laisser ces « fautes »? Oui, le
« sic » aurait été préférable
c'est certain, s'agissant en plus d'un texte non publié de son
vivant, qu'elle n'aurait peut-être pas souhaité publier.
Mais pour les « éditeurs » c'était
impensable de laisser des fautes pareilles, péché,
sacrilège, impardonnable, on aurait eu honte pour elle!...
Ils
devraient pourtant se rendre compte que l'orthographe c'est pas très
intelligent en fait. Par exemple, un cheveu, même sans s ni x,
c'est déjà un pluriel (latin). Pourtant la règle
est d'écrire « un sèche-cheveux »,
en raison de ce qu'on a il est vrai en gênerai plus d'un cheveu
sur la tête... que sinon on pourrait toujours s'arranger de
couper en 4.
Dans la
série l'orthographe en marche (le français vivant
quoi!), cette jolie phrase « Reviens quand tu auras disparue »
que Yves-Noël Genod verrait bien comme titre. En fait, sa phrase
c'était
«Quand tu auras disparue, tu reviendras!»
Bon,
normalement, le participe passé après avoir ne s'accorde pas avec le
sujet
mais avec le complément direct. Donc grosse faute pour toutes
les grenouilles académiques. Sauf que cet accord apporte
d'évidence une information, ce qui est l'objectif de base de
l'orthographie.
Il est signifié en l'occurrence qu'il s'agit
d'une femme et non d'un homme.
Ceci légitimerait l'accord
avec le sujet, qui était d'ailleurs l'une des options avant que
Malherbe impose la règle actuelle qui est particulièrement
piégeante!
Règle de plus pas toujours compréhensible et finalement pas très
intelligente, je le dis: c'est l'une des torderies du français.
Et si un écrivain ne le dit pas (ne l'écrit pas), qui donc le dira?
Je connaissais mal Jean
Couturier, le réalisateur de France
Culture qui vient de mourir, à part qu'il a réalisé
« Pour échapper au destin » (1ère
diffusion, 7 juillet 2004). Certainement,
je lui saurai gré
toujours par exemple d'être allé enregistrer des
séquences de cette pièce radiophonique, dans une
voiture, sur les quais de la Seine, ainsi que le texte
l'indiquait... Et lui serai toujours reconnaissant d'avoir pris deux
jours au moins pour l'enregistrer avec Annick
Alane, Anne-Lise Hesme, Arnaud Bédouet, Garance Clavel, Simon
Duprez. Au lieu
d'une après-midi de prises au lance-pierre, comme cela se
faisait généralement.
Par
contre je regrette bien de lui avoir répondu non à sa
question de savoir si je n'avais pas un autre texte à lui
donner, qu'il semblait prêt à réaliser dans la
foulée... C'est vrai que je n'avais pas de texte écrit
exprès pour la radio. Mais j'aurais pu lui passer les
dialogues de « Pathétique Sun » ou de
« Fréquence perdue » (film de 1982),
faire un découpage de la « Fiction d'Emmedée », lui proposer
de prendre des extraits de « Rauque la
ville » qu'aucun de mes amis cinéastes des années
1980 n'a pu porter au cinéma. Parfois c'est ne pas penser que
de penser trop étroit.
Divagation
sur la bêtise des métaphores, par exemple la dernière
d'un journaliste qui vient de sortir un énième bouquin
sur les dangers supposés de notre époque: celle-ci
serait comme une voiture qui plus elle augmente sa vitesse, moins
les phares éclairent loin... Il fallait la trouver!
A part
que cela s'apparente à la fameuse formule d'aller tout droit
dans le mur, cela voudrait montrer que le présent se charge de
tant d'informations qu'on a tendance à perdre la mémoire.
Ainsi, on ne saurait plus ce qui s'est passé deux ou trois ans
auparavant... Cependant nous n'avons pas besoin de garder en mémoire
immédiate tout un tas de faits puisque avec le net et les
moteurs de recherche nous avons les moyens de retrouver à
l'instant même la mémoire du moindre événement
passé.
Autre
implication de cette métaphore de "chauffeur de Citroën
des années 1970", le fait que tellement pris par ce qui se passe
dans le moment présent on n'aurait pas ou plus de vision
lointaine.
A ce
moment précis pourtant la navette américaine rejoint
l'ISS dont on s'apprête à modifier l'orbite pour éviter
une collision avec un engin dont a repéré la
trajectoire... Et puis on découvre une étoile massive
qui vient de naitre tout récemment (il y 2 ou 3 millions
d'années)...
Chaque
jour, je me répéte cela qu'il faut voir loin. Alors que
comme tout le monde souvent au téléphone je dis: non, là, je ne suis
pas chez moi,
car on l'est de moins en moins, en tout cas quand on répond au
téléphone.
On se trouve dans la rue, au café, dans une boutique, devant
l'école, et parfois dans des endroits improbables où
cependant l'on peut répondre sans faillir: non, vous ne me
dérangez pas du tout!
Y
aurait il plus d'évènements que dans le passé de
l'histoire? Ou même qu'il y a quelques années encore?
C'est vrai qu'on a l'impression qu'il s'en passe de plus en plus. A
peine le volcan s'est-il calmé qu'une marée noire se
déclenche. Une crise semblait se terminer, une autre
s'enclenche. Encore un tremblement de terre, des inondations qui s'en
suivent. Une maladie a disparu ou bien se soigne mieux, voilà
qu'un nouveau virus survient etc.
On
peut facilement poser que l'augmentation considérable de la
population mondiale a accru le nombre d'évènements. Les
bousculades répétées à l'origine de
centaine de morts en Inde ou en Chine, ou les accidents de bacs en
Asie ou en Afrique en sont une illustration.
On
peut avancer aussi que le développement de l'activité
humaine précipite la survenue d'évènements. Pas
de catastrophes aériennes au temps de Platon en effet, pas d'accident
de plateforme pétrolière sous Jésus, ni
d'explosion de centrale nucléaire sous Henri IV. Des éruptions
de volcans oui, des tsunamis, des naufrages, des famines, des
épidémies, des incendies... Et des guerres autrement
plus habituelles, oui.
Le
facteur le plus agissant est l'information, la connaissance des
faits, et la nécessité dans laquelle nous sommes
d'accepter que rien n'est stable, que le monde change tout le temps,
qu'il se passe toujours quelque chose, et qu'il y a toujours quelque
chose qui ne va pas!
Parole
de Victor Cherre qui me revient: « Je vais réfléchir ».
Il dit ça tout le temps.
Et en effet quoi de mieux qu'on puisse faire chaque moment des jours
dans notre société qui change sans cesse? Oui, il y a
surement rien de mieux à faire que réfléchir et
plus que jamais.
A
quoi j'ajouterai ma propension actuelle à essayer de toujours dire
oui. On peut se voir tel jour? oui. Est-ce que tu es libre tel jour,
oui. Si je ne le suis pas, je décale, je tords le calendrier.
Et j'ajoute des heures aux soirées, je vais dans deux endroits à
la fois, je parle à plusieurs en même temps et j'aime doublement mes
êtres chers.
Surtout je souris de plein de sourires, trois fois plutot qu'une,
jusqu'au rire si les yeux
d'en face me les renvoient.
Rien
que je déteste plus qu'on me propose un rendez-vous le mois
suivant même si on est en début de mois, et encore entre
13h et 14h, parce qu'en suite y a ceci cela.
Oui
je veux bien, d'accord, ok. Oui, être comme en disponibilité
permanente.
Bien sûr je déteste encore plus l'attitude
des gens surbookés qui même avec des amis de toujours
n'arrivent pas à prendre le temps de répondre au
téléphone parce qu'en RDV décisif,
ou bien en train d'essayer de dormir dans l'avion retour
de Dubaïl
Se mettre en disponibilité, c'est produire une sorte
d'amplification d'exister.
Des
grandes parlotes sur les rumeurs ont occupé la presse tout le
weekend dernier, bien sûr avec de longues interventions de
spécialistes de la question (à noter le tandem
spécialiste/journaliste désormais intimement lié
à la fabrication de l'info).
Et
on a redit qu'avec Internet évidemment les rumeurs allaient
plus vite et qu'en plus on pouvait difficilement repérer le
point de départ.
Il
me semble en revanche qu'elles sont beaucoup plus faciles à
désamorcer que les rumeurs qui couraient de villes en
villes...
Ce
qui m'étonne le plus c'est que les gens aient tellement envie
d'y croire, à ces rumeurs.
Moi
je passe mon temps à dire à des gens: mais non ça
c'est des conneries.
Et je vois bien que souvent ils ne me croient
pas et même m'en veulent un peu que je ne valide pas ces
conneries du haut de ma rigueur intellectuelle.
Jusque
dans les années 1960, le mot masturbation ne figurait pas dans
les dictionnaires courants. En cherchant bien les pré-ados tombaient
sur onanisme
dont la définition était peu éclairante. Encore
ne se serait-il agi que de la masturbation masculine. C'était
un péché pour qui était sous pression de
l'église catholique. En outre il se disait que c'était
dangereux, parce que ça pouvait rendre idiot et même
stérile.
Sur de nombreux sites internet on en fait désormais
l'apologie, en particulier de la masturbation féminine, une
pratique naturelle, saine, libérant l'énergie sexuelle. Jouissive.
Et même bonne pour la santé, par ex pour les hommes,
lutte contre l'éjaculation précoce et prévention
du cancer de la prostate, même si c'est un risque plus tardif
que la survenue des cheveux blancs.
Moi
je persiste à lui préférer l'amour qui
d'ailleurs peut tout autant et mieux avoir ces mérites. Oui je
préfère le bel amour, le grand désir, ce doux
échange, ce jeu génial, le beau cadeau qu'est l'amour.
Qu'on peut s'offrir en toute envie, passion, tendresse, as u like à
deux.
Il
est prévu que les auditions de prisonniers par les juges se
fassent désormais en visioconférence pour éviter
de les déplacer depuis leur prison jusqu'au tribunal où
siège le juge. Car ce sont des déplacements couteux,
qui en plus impliquent des protections armées, et qui surtout
sont bruyants dans nos rues, puisque les convois doivent actionner au
maximum leur sirène pour dépasser les voitures des gens non
prisonniers.
(Note de bas de page: bien sûr on aurait pu imaginer que les juges se
déplacent, ce qui aurait été plus simple, mais là trop grosse remise en
cause des hiérarchies/habitudes en place).
Prévu, mais quand cela viendra-t-il? Beaucoup de
mesures sont annoncées mais n'interviennent jamais, sans qu'on
sache pourquoi!
Pourtant,
ce serait bien pour nos oreilles, de diminuer le nombre de sirènes
hurlantes, étant donné que sont
inévitables celles des ambulances et des pompiers
qui doivent passer en toute priorité, et celles de la police contre qui
on
ne peut rien faire.
Donc il restera de toute façon assez de
sirènes pour nous casser les oreilles. Rousseau, Jean-Jacques,
se plaignait du bruit qu'il y avait à Paris (et aussi de la
saleté et de la boue) mais je n'arrive pas à l'imaginer
ce bruit en comparaison du notre!...
C'est
drôle, je suis souvent amené à redire comment
j'ai rencontré MD, comment vous avez/ tu as rencontré?...
J'avais l'habitude de renvoyer à mon livre La Fiction d'Emmedée
où j'ai décrit cette rencontre. Mais depuis peu je me
laisser aller à la raconter comme je peux le raconter tant
d'années après...
La sortie de la projection de mon
film Narcisso-metal au festival de Hyères... MD à qui je
viens d'être présenté me dit « c'est
un film d'écrivain »... Le déjeuner en plein
air, je suis assis en face d'elle, je lui dis que je pourrais
facilement transférer mon rapport à ma mère sur
elle... Puis je lui parle d'amis qui passent leur soirée à
danser sur la musique d'India Song... Où? A Caen, je dis!
Quelqu'un de Caen m'envoie des lettres, elle répond songeuse... Oui, il
en était de
ces amis qui jouaient à s'envoyer des phrases du film avec les
intonations de Delphine Seyrig...
A la suite de ça que, me
voyant en amour avec la belle Livia, MD a décidé de
répondre à c(s)es lettres...
Pour dire comment ces
faits sont ainsi entrés dans sa fiction, la faisant se
développer, la sienne à MD.
Entendu
au café Select, une jeune femme assenant à l'homme
assis en face d'elle qu'elle n'irait surement pas au Salon du Livre:
« Le salon du livre, c'est tout sauf la littérature,
elle disait... ah non, non, y aura surement pas Marcel Proust ni
Marguerite Duras au salon du livre! »
Il
y a bien, je pensais, quelques coins qui ressemblent à en
être, de la littérature, mais même là ça
n'en garde que les apparences parce qu'ils font tout pour se
rapprocher de ce qui n'est pas de la littérature.
Le
salon du livre est une affaire commerciale, c'est d'ailleurs la plus
grande
librairie de France. Ne pas croire cependant que ça existe
depuis les Romains... Non, fondé dans les années 80,
pour relancer le livre face à la montée de l'image. Je
me souviens qu'au 1er salon, l'éditeur Minuit, qui venait de
me jeter (il avait pour principe de toujours refuser le second livre,
ce que j'ignorais), n'avait pas même un seul exemplaire de
Rauque la ville dans son stand. Il est vrai qu'il ne croyait pas
que mon livre RLV pourrait se lire, par exemple en 2010.
C'est
surtout une grosse foire où les valeurs sont inversées.
Plus la superficie des stands est grande et plus il y a de chances
pour que les livres soient mauvais ou populistes ou d'une idéologie
craignos. Plus il y a de monde à faire la queue pour la
dédicace... Plus il y a de contrats signés avec les
éditeurs étrangers et plus, etc.
C'est
aussi une grande beuverie, à l'inauguration (ce soir). Ce qui n'est pas
grave. Sauf que les
visages des gens dans les stands rougissent et se défont à mesure
qu'ils se
donnent de l'importance à être là...
Aujourd'hui
c'est la journée mondiale de l'eau, hier c'était
le printemps à 17h31 et aussi la journée de la
Francophonie. Un jour après, pas grave, dire que j'aime plutôt
bien la francophonie, surtout dans ces années récentes
où des pays y ont adhéré librement, on peut le
croire, et non plus comme par suite logique de la colonisation.
Ce
qui me plait en plus, c'est que certains pays, le Québec par
exemple, sont bien
plus exemplaires que la mère patrie en ce qui concerne la
langue française.
Ainsi
au Québec, à partir de cette année scolaire, la
réforme du français de 1990, dites « Rectifications
à l'orthographe », sera acceptée dans tous
les examens scolaires et universitaires. Tandis qu'ici à
Paris, aucun éditeur, ni université et pas davantage
l'Education nationale ne l'applique. Elle est même considérée
comme relevant de la faute, tout bonnement. Pourtant le dictionnaire
de l'académie admet presque toutes ces rectifications, en
parallèle au graphies précédentes, comme on le
fait pour clef et clé...
L'aventure de "On ne peut pas avoir écrit Lol V. et désirer être encore à l'écrire" repart après une pause de quelques jours suite à ces trois 1ères répétitions publiques. Un peu de doute à des moments. N'aurait-il pas été plus raisonnable de trouver une production d'abord et/ou d'attendre le résultat d'une demande de subventions? Non bien sûr que non. Enfin raisonnable peut-être, au diable qu'il aille. Ne pas oublier qu'il y avait deux soirs de théâtre libre, et surtout que maintenant ces trois séances sont dans la mémoire de la centaine de personnes qui y ont assisté. Et dans la nôtre bien sûr, je n'ai pas besoin de fermer les yeux pour visualiser les visages des comédiens éclairés par les écrans d'ordis, ni pour capter leur enthousiasme envers le texte et la jubilation qu'ils avaient à le rendre vivant. J'ai à nouveau relu tous les Entretiens, dans la version première que je vais reprendre pour le « spectacle à venir », donc l'aventure repart maintenant. Mélanie Chereau nous rejoint pour m'assister à la mise en scène. Elle voit qu'il y a d'un côté cette «lecture-mise en espace» d'une heure que nous allons proposer à différents lieux. Et puis un autre projet de fond qui est le "spectacle à venir" pour lequel en effet il faut trouver une production... C'est presque troublant d'avoir eu tant de réactions positives, ce dont je suis vraiment heureux pour les comédien(ne)s, ça donnerait envie de jouer tous les w-ends au théâtre du Temps!
Y-N
G. donnait un Hamlet, son Hamlet 3 au théâtre de Vanves le
lundi 8 mars. Il dit qu'il montera toute sa vie des Hamlet, et il a
surement raison. D'autant qu'il le fait à sa manière,
ne reprenant que le schéma de base si l'on peut dire.
Il
me semble que chaque fois Yv-No cherche la sortie. La sortie de
l'instance. Mais de quelle instance. Le théâtre, la
réalité?
Comment
se situer hors du réel qu'on n'aime pas tel qu'il est?
pourrait être un résumé de l'affaire, coïncidant
d'ailleurs avec Hamlet...
Comment
sortir du rituel (du tunnel)? ça il sait le faire. Comment
sortir de l'instance prédéterminée? il sait bien
que ce n'est pas facile, car la force d'inertie est la plus forte de
toutes les forces.
Si
l'on compare à son très beau spectacle «Yves-Noël
Genod» donné à Chaillot en 2009, on voit qu'avec
cet Hamlet il reprend une même direction, sauf qu'elle est cette
fois un peu plus radicalisée. Cette geste des comédiens
qui arrivent sur le plateau, seuls généralement, et qui
s'installent par exemple pour déballer un sac ou un caddie. Ou
bien qui s'essaient à grimper le long des parois. Qui en effet
viennent là pour déballer leur sac au sens figuré,
donc pour déclamer quelques vérités souvent
drôles. Cette geste est devenue moins importante, les histoires
de chaque comédien devenues moins importantes, en tous cas ils
parlent bas, déballent bas.
Là,
à Vanves, oui, il reste comme une ombre de cela. Comme si Yv-No
était allé plus loin dans sa démarche, avait
radicalisé son propos. Réduit un peu à la
Beckett ou encore comme Duras disait: montrer moins pour voir plus...
Donc
l'extérieur surprend de l'importance. Une voix off faible en
surgit de temps à autre... Une porte s'ouvre dévoilant
une voie d'issue certainement. Et puis peut-être que le sujet
momentanément c'est la lumière et en fin de compte le
salut de fin...
C'est
clair qu'il veut enlever de la séparation, l'instance est donc hors du
plateau, en extérieur, on se demande même si ce n'est pas nous
le public qui sommes les acteurs, d'ailleurs quand deux ou trois
personnes exaspérées -en manque d'humour- quittent le
spectacle, on croit un instant que ce sont des acteurs, qui comme
certains l'ont fait tout à l'heure, vont aller prendre place
sur le plateau... Dire que «prendre place»,
c'est parfois pour en sortir aussitôt vers le fond ou sur le
coté ou vers les spectateurs.
Conclure
que de la présence un peu fantomatique sur le plateau, il reste
des moments furtifs avec plus d'importance qu'ils semblaient en avoir
sur le
:moment et, au bout de la nuit, le tout se concentre dans le salut
final joué dans la beauté des corps et des êtres,
qu'on n'a pas envie de quitter! Salut qui semble pouvoir durer
davantage que la pièce elle-même, ou ne jamais finir à
la manière d'une fin de symphonie de Gustav Mahler dont on
croit toujours qu'elle va se terminer, mais se relance dans la
jubilation.
Il
y a donc quelque chose de magique ou de mystérieux ou de
merveilleux dans cet Hamlet, je n'opterai pas pour l'un de ces M, ni
ne distinguerai les comédiens, tous bien.
J’aimais
bien sûr tout ce qui pouvait nous éloigner de la
tragédie humaine classique, avais-je repris, la guerre,
les famines, les maladies, la cruauté des pouvoirs… Et
toutes les libérations… la libération des femmes,
parce que c’en était une aussi de libération pour les
hommes. » (in Les Voyageurs modèles)
Cette
auto-citation pour dire qu'en effet j'ai vécu la libération
des femmes comme une libération personnelle, sans avoir
l'impression cependant d'en avoir été réduit
dans ma condition d'homme, à part la perte du côté
machiste que je n'ai jamais vraiment eu.
Par
ailleurs je suis convaincu que les femmes vont finir par transformer
le monde, partout en tout cas
où elles accéderont massivement à l'éducation
et à la politique.
Bien
sûr s'il arrivait que prenant résolument le pouvoir,
elles finissent par l'exercer avec des méthodes ressemblant à
celles des hommes historiques et bien il faudrait reprendre le combat
et lutter contre elles.
On
ne peut pas avoir écrit Lol V... séance supplémentaire le 6 mars à 20 h.
Ça
crée de la vie, m'a dit Axel, après la dernière
répétition privée, et unique d'ailleurs, sur le
plateau du Temps.
Justement
une Impression déjà ressentie, plusieures fois
éprouvée, par exemple quand j'avais joué avec
lui dans le Parc, mis en scène par Régy à
Chaillot. Impression que le théâtre rend la vie plus
belle.
Impression
revécue à ce moment-là de la répétition
qui s'était lancée. Du coup Je n'allais plus l'arrêter,
pas même pour une remarque de détails. Plutôt
écouter comment parle la voix de cette comédienne,
entendre l'enthousiasme révélée par la lecture
qui enchaine les dialogues, capter la vie redonnée dans
l'échange qui s'instaure...
Est-ce
que que le théâtre crée de la vie puisque, en
même temps, il nous place en retrait du monde?
Il met en dehors
et en fait il amplifie la vie.
On
ne peut pas avoir écrit Lol V. 6/7 mars, théâtre
du Temps, Paris 11e: Réservation obligatoire...
On
était pas très tranquilles mercredi dans notre café
de la place Denfert pour la dernière fois où nous y
allions les 5 comédiens et m/m. Il fallait lutter contre un
environnement sonore difficile, bruits de flippers et de voix fortes
de bar... On a cependant bien travaillé, réglé
des petits problèmes en entrant dans quelques détails,
apercevant alors la force d'un passage qu'on n'avait pas perçue
avant.
Les
comédiens qui ont écouté des extraits des
Entretiens diffusés à la radio s'inquiètent, ce
qu'ils font n'a rien à voir, pensent-ils. Oui, ce qu'ils font
est autre chose et je m'en réjouis, ils redonnent de la vie à
ces paroles. Comme dit CG, s'il n' y a pas de renouvellement dans la
façon de rendre les textes de MD, eh bien il y aurait le
risque d'une disparition progressive... Le lendemain je suis allé au
Théâtre du Temps où je n'étais pas
allé depuis des mois. Redécouverte du «chemin des
fleurs», cette allée qui fait commencer le plateau
depuis l'entrée de la salle... Du coup la salle m'a paru plus
petite. On m'a dit: 50 places, c'est la jauge!
Ce
pourquoi il faut absolument réserver pour ne pas risquer de
n'avoir pas de places. D'autant que s'il y a beaucoup de réservations
nous pourrions organiser une séance supplémentaire le
samedi à 20h.
Hier,
travail avec Aurélie H et Vincent (les autres sont en
tournage, shooting comme dit Thibault), le soleil d'hiver éclaire
nos écrans à travers la vitre du café. On
entre dans les détails. Donc on entre dans le texte, prendre
le temps de le regarder à défaut de pouvoir intégrer
que ces phrases étaient pensées en direct.
Sinon, il
faudrait jouer à les penser en vrai, impossible. Donc il ne
faut peut-être pas vouloir s'approprier le texte?
Recherche
d'équilibre entre articulation et vitesse, profération
et lenteur. Entre ces deux positions possibles trouver le bon tempo.
Ni trop grave ni trop léger. Du coup on redécouvre
l'intérêt de cette mise en lecture -avant une mise en scène plus
ambitieuse- redonner la vie que portaient "nos" paroles
dans la conversation des Entretiens...
La
prochaine fois on refera un filage avec tous, ce sera le dernier
avant la répétition -sans public- au théâtre. Ensuite ce sera la 1ère
répétition publique.
Pour
la prod, on me dit qu'il faut chercher du coté de la Culture
ou bien d'un mécène auquel tout le monde pense, s'il se
reconnait qu'il m'appelle!
Quelques nouvelles de «On
ne peut pas avoir écrit Lol V »...
Vendredi dernier, on a fait pour la première fois un filage
dans un café de la place Denfert où on y est
tranquilles. La lecture commençait vraiment d'exister, c'était
très émouvant: MD soudain, là où nous
étions!
Et puis Il y a eu deux bonnes nouvelles. L'une que la
lecture allait durer un peu moins d'une heure (c'est la version
courte). L'autre que les acteurs-comédiens-lecteurs avaient
été bons. Le fond est trouvé, une couleur se
découvre, il n' y a que des détails à traiter,
même s'il y en a forcément beaucoup. Il "n'y a qu'à"
poursuivre la découverte du texte...
Par ailleurs les
problèmes techniques qui ont tendance à apparaitre à
mesure qu'ils se résolvent, se traitent tout de même...
Penser aux lumières... à la musique, ça c'est presque
fait... penser à une capture vidéo du spectacle, à
des prises de photos durant cette 1ère répétition publique... pour
ainsi dire rien.
Reste le trou noir, nous n'avons pas de production, un théâtre
pour deux soirs m'était proposé, fallait-il que j'en
attende une pour y faire cette lecture?
Les 6 mars à 18h et le 7 à 20h30, au théâtre du Temps
: «On
ne peut pas avoir écrit lol V...».
Bien sûr cette première répétition publique, ce sera moins qu'une
lecture pour laquelle j'aurais réussi à réunir Bulle Ogier et Michael
Lonsdale ou Axel Bogousslavsky. Assurément ç'aurait été une lecture
magnifique, mais d'une certaine façon une lecture définitive. Encore
que Bulle m'a dit son embarras à l'idée de lire la parole de MD parce
que sous chacune de ses phrases elle entendait sa voix, au point de ne
pas imaginer ce qu'elle aurait pu ajouter elle.
Avec un peu de mise en espace, cette première répétition publique sera
donc aussi un peu plus qu'une lecture. En effet, en faisant appel à de
jeunes comédien(ne)s je me suis lancé dans une autre aventure, celle de
la découverte du texte et de la jubilation de le découvrir.
Et pour
lire le texte de MD, j'ai choisi trois comédiennes, parce qu'une seule
aurait dû soutenir le poids de représenter MD, ce qui aurait été
franchement lourd et l'aurait exposé à la critique de ne pas le faire!
De plus cette triple présence peut figurer la diversité et la
complexité de la personnalité de Dame Duras. Par exemple Michelle Porte
disait « avec MD on se plaignait et on pleurait » tandis que pour moi,
c'était «on se parlait et on riait». C'est d'ailleurs cette dernière
piste que j'entends privilégier, en accord avec le ton des Entretiens
pour France Culture..
Une phrase de Deleuze : « Créer n'est pas communiquer, mais résister »
circule un peu partout comme si c'était du bon pain. Pour moi créer
n'est surement pas résister, car ce serait rester dans le même champ de
l'objet de cette résistance. Ou alors secondairement, pour s'opposer à
l'inertie.
Créer c'est transgresser pour le moins, se libérer assurément, voir
plus loin et davantage, se déplacer dans un chemin mental plus ouvert
ou plus complexe.
Deleuze a sorti beaucoup de phrases formidables tant il pratiquait une
sorte de logorrhée créative, parfois avec le risque de léger dérapage,
cela n'a d'ailleurs pas d'importance. En revanche cette phrase exprime
qu'il n'aimait pas le concept de communication, pas plus qu'il n'aimait
la modernité. Et encore moins les machines (à part peut-être les
désirantes), Il avait par exemple toujours refusé d'avoir un lecteur de
disques (vinyles) pour écouter de la musique. Ainsi peu de temps après
qu'un appareil de ce type lui ait été offert, ce dernier était
curieusement tombé en panne et sous ce prétexte il s'en était séparé...
Philosophie n'est pas sagesse à tous vents.
Moi j'ai dû résister durant les années 1985 / 2000 au moins, pas
contre la grande ennemie qu'est l'idéologie fasciste, celle-là je la
traque partout où je passe. Non contre l'idéologie conservatrice et
rétrograde et postmoderne que même de mes amis ont pu adopter jusqu'à
ne plus me voir tout à fait comme ami ou même comme écrivain digne de
ce nom. Car je ne suivais pas la pente vécue comme bonne pensée. Ils
étaient croyait-il en résistance contre la modernité, le progrès que
sais-je? Contre la technique, contre le numérique, contre le téléphone
portable (ça leur a passé) contre toute transformation vécue comme un
recul. Donc je résistais à tous ces contres, j'en ai même fait un livre
(Les Voyageurs modèles). Je résistais aussi au mode catastrophiste, la
peur de l'an 2000, les centaines de milliers de victimes annoncées avec
la vache folle, voir le poulet fou (dont s'était même emparé un
intellectuel aussi respectable et aimé que Edgar Morin (conférence à
l'UNESCO) etc.
J'ai résisté en faisant le dos rond, pour ça que je n'aime pas cet
amalgame créer / résister. Créer, on peut se dresser sur ses deux
jambes.
Pourquoi faire appel à
des comédiens de 20/30 ans pour lire ces
dialogues tirés des Entretiens avec MD? D'abord parce qu'ils n'ont pas
connu Duras, ne l'ont pas même vu intervenir à la télé, ou bien ne s'en
souviennent plus. Ils ne connaissent pas très bien son oeuvre, parfois
n'ont vu que l'Amant, le film, ou lu seulement Un barrage ou Le marin
de Gibraltar. En revanche quand ils la lisent, ils le font bien
différemment de la plupart des lecteurs des années 1970/90 qui
trouvaient ses livres difficiles. Et il ne leur viendrait surement pas
à l'idée d'affirmer comme la critique (qui était très critique à son
égard) qu'il ne se passe rien dans ses livres ou bien que c'est
ennuyeux ou encore que son écriture est pleine de tics.
Appel à des comédiens de cette génération 2000 donc, à qui je ne
demanderai pas de jouer Duras, ni de faire du Duras ni même d'être
durassiens. Bien plutôt de faire entendre la parole écrite de Duras
dans
une envie de découverte, au fond à la manière dont je suis allé la
voir, enthousiaste de comprendre ce qui faisait que MD parlait, vivait
et écrivait en écrivain. Jusqu'à écrire avec elle cette conversation en
forme d'entretiens.
Il s'agit donc d'aborder son écriture sans crainte, avec douceur et
aussi avec détermination, de proférer ses phrases pour la tester
peut-être et, au final, « d'enjouer » la lecture du texte afin de
transmettre le plaisir qu'on peut ressentir à la lire, quoi? de rendre
le coté jubilatoire de son écriture...
C'est une histoire un
peu merveilleuse d'une certaine façon. Ponctuant,
au début et ensuite, ma belle relation d'amitié avec Marguerite Duras,
j'avais produit Les Entretiens pour les Nuits magnétiques sur France
Culture et puis écrit La Fiction d'Emmedée, un roman dont elle est le
personnage principal. Je ne pensais plus me remettre sur son chemin ou
y être redirigé jamais. D'ailleurs certains ont pu me dire, Duras, ça
va, faut oublier maintenant. Il se trouve que j'avais un peu vécu la
Fiction d'Emmedée à travers une pensée pour Diderot et son Neveu de
Rameau. Dans la limite de toute comparaison. C'est à dire qu'il
s'agissait d'une vraie relation, ayant existé...
Voilà que Catherine Gottesman après une lecture de textes de Duras au
théâtre du Temps me demande si je verrais d'autres textes qui
pourraient être lus. A l'instant je ne sais pas, j'avais dit en
souriant, mais je vais réfléchir. Parce que souvent ça me plait de
réfléchir sur quelque chose que je ne connais ou ne comprends pas. Et
même longtemps, bien sûr pas à tous les moments des jours. Des mois
plus tard, j'ai appelé pour lui parler des Entretiens. Catherine G et
Alissa Thor m'ont aidé à les transcrire et je me suis mis à les
travailler en gardant bien entendu l'entièreté des propos de MD. Un
jour CG m'a dit il y aurait des dates, peut-être pas en fin d'année
mais en début de celle à venir. En décembre, elle a dit fin février /
début mars. Il suffisait de dire oui, en fait de ne pas dire non. Puis
de rencontrer des comédiens, mi-janvier je n'en avais pas. Et puis
voilà le 6 et 7 mars au théâtre du Temps, 1ère répétition publique, en
version courte pour des raisons de bonne raison.
Les
grandes expositions publiques déclenchent une sorte d'unanimisme qui
est de plus en plus suspect. Outre qu'elles ne sont souvent pas
d'actualité, même si elle sont destinées à faire l'actualité, elles
sont faites pour plaire à tout le monde. Or en toute raison ça ne
devrait pas pouvoir plaire à tout le monde.
Elles sont chaque fois soutenues par une presse élogieuse, et
abondante, et il est de bon ton d'en dire du bien. En tout cas de ne
pas en dire du mal. Je me suis fait réprimander en privé et en dîner
parce que je m'étonnais de l'exposition de lourds blocs d'immeubles en
ruine sous la si jolie verrière du Grand Palais tout juste restaurée
qui elle dégageait une légèreté extraordinaire (Monumenta 2007).
Mais pas de raison en effet de dire du mal de la dernière exposition
sur Fellini, même si c'est de la culture rabâchée. Et de quel droit
dire du mal a priori de la présente exposition de Boltanski au même
Grand Palais à Paris? Certes J'aurais préféré qu'il nous fasse entendre
le bruit des neurones plutôt que les battements de coeur. J'avoue aussi
que l'empilement de vêtements fripes jusqu'au dégout ne m'intéresse
guère et pas davantage qu'il ait fait couper le chauffage. De plein
droit en revanche, je me révolte contre l'obsession de nous tirer vers
la mort qu'a cet homme alors qu'il déclare aimer manger de la
blanquette de veau...
Les grandes expositions correspondent au goût des
organisateurs, et c'est bien normal, ou à celui supposé du très grand
public. Encore qu'en l'occurrence le travail de Boltanski, artiste
international autant qu'officiel, ne sera peut-être pas du goût du
grand public pourtant si docile, prêt à faire des queues interminables,
parce qu'il pense que la culture c'est bien!
A l'école, les enfants apprennent que les mots en eur se transforment en euse au féminin et que si certains mots sont identiques au masculin et au féminin, d'autres sont différents comme cheval et jument. Mais à part exceptions, il doit y en avoir, on ne leur apprend pas vraiment la féminisation des noms de métier qui s'est pourtant largement imposée malgré une ferme opposition des académiciens de France. Ainsi se sont généralisés en pratique les féminins comme auteure, professeure, ingénieure et docteure, qui tient encore à s'appeler docteresse? Et aussi entraineure, dans les disciplines sportives plutôt qu'entraineuse (à moins qu'on préfère dire coach)... Et pourquoi pas éditeure, chanteure, danseure et cultivateure, metteure en scène et réalisateure?... Si l'on objecte qu'à l'oral cela ne se distingue pas, il suffit de prôner la prononciation du e final, comme d'ailleurs cela se fait mal à propos dans bonjour-reu!
Pourquoi le cinéaste Eric Rohmer pensait-il que la langue du Moyen Âge
était beaucoup plus précise que la nôtre? Voici sa phrase retranscrite:
«Quand on compare la façon de parler actuellement avec la façon de
parler au Moyen Âge, on trouve que nous sommes beaucoup plus lourd et
plus obscur. On était beaucoup plus clair à ce moment-là. On disait les
choses très simplement et très directement. Tandis que maintenant on
emploie très souvent beaucoup de figures, de périphrases etc. Donc de
ce coté-là on a perdu...»
Pourquoi donc? Sans doute parce qu'une idée répandue est que ce qui
vient de l'origine est plus pur. Pourtant en termes de langue comme en
termes de race ce concept est bien douteux. En l'occurrence le français
venait du latin, se construisant par intégration de différents apports
d'autres langues et de patois locaux.
Certains académiciens d'hier pensaient que la langue la plus précise
était celle du 18e siècle. Beaucoup de clercs d'aujourd'hui pensent que
la langue contemporaine s'est dégradée par rapport à celle du passé.
Il me semble que maintenant on pourrait s'approcher d'une langue de
plus en plus précise en intégrant les logiques contemporaines. Cela a
d'ailleurs était son cheminement depuis des siècles. Et ce devrait
continuer de l'être si on voulait bien garder vivante cette langue, en
tout cas écrite, car la langue parlée elle ne cesse de s'inventer.
Un rapport traitant de "l'avenir de la création sur Internet" vient d'être remis au Ministre dit de tutelle. Certainement intéressant, quoique surréaliste dirait mon voisin de palier, en tout cas au regard de certaines propositions. Croire par exemple qu'on va imposer à la terre entière des mesures telles que le prix unique pour les livres numériques est cocasse ou arrogant et laisse penser que les gens qui ont produit ce rapport ne se rendent pas compte que le système internet est mondial. Glissons du coup vers un point d'achoppement quotidien pour l'acheteur de livres. On ne sait pas pourquoi, mais commander un livre dans une librairie locale implique un délai d'obtention d'une semaine au moins. En revanche en commandant sur le net, le livre arrive par la poste dans les deux ou trois jours sans frais. Il se trouve que l'on doit souvent commander des livres car matériellement tous les livres ne peuvent être stockés localement. Ajoutons que par pur mécanique de marché les librairies de quartier, dont je suis comme beaucoup un grand partisan, ne peuvent avoir en stock que les livres les plus demandés et/ou les livres envoyés d'office par les grandes maisons d'édition...